Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
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Les premiers pas en Apprentissage

Ecrit par Dominique

Le premier geste, les seuils jusqu’à la Maîtrise

A partir de la première poignée de main avec son maître d’apprentissage, l’apprenti entre dans la filiation des métiers, L’apprentissage se fait davantage par une imitation du maître d’apprentissage que par un discours. L’adolescent veut ressembler à l’ancien pour ce qu’il représente, pour sa manière d’être. Apprendre un métier c’est imiter, connaître l’objectif du métier (le couvreur c’est l’étanchéité de la partie couvrante), expérimenter et rectifier jusqu’à la perfection : la perfection c’est être juste, rien de plus.

1- L’apprentissage se fait davantage par une imitation du maître d’apprentissage que par un discours.

Il n’est qu’à observer le fils d’artisan, de paysan, de musicien ou de sportif qui a toujours vu ses parents vivre leur métier, au milieu des copeaux ou d’un terrain de foot, pour s’en convaincre. Léonard de Vinci (1452-1519), a fait un apprentissage dès l’âge de 12 ans chez Andrea Verrochio : pendant sept ans, à longueur d’année, il broie les couleurs en observant les plus qualifiés et les œuvres qui sont peintes. Toute cette période semblait impérative afin que l’apprenti observe et enregistre les attitudes et les gestes du Maître. De plus, cette longue période d’observation renforçait le caractère sacré du métier.

La dimension affective : le jeune enfant marche d’évidence pour imiter sa mère et son entourage ; il l’imite pour lui ressembler ; il veut lui ressembler parce qu’il l’aime. La notion affective est toujours présente dans l’apprentissage. Les parents pensent que leur enfant apprend la musique (ou autres activités) pour son plaisir ou pour leur faire plaisir ; pourquoi pas, au départ mais l’apprentissage est rébarbatif et dans la plupart des cas, c’est simplement pour faire plaisir à son formateur. Dés lors s’installe la confiance (se fier à l’autre), la connivence qui estompe toutes interférences préjudiciables entre l’émetteur et le récepteur.

2 – Le Premier seuil : prendre contact globalement avec le métier (matériau, hommes, gestes et attitudes).

Dans tous les métiers, les maîtres vous parlent de :

1- Prendre contact avec le matériau : on peut avoir de l’attirance ou au contraire de l’aversion pour un matériau.

2- comprendre la notion durée-dureté de la matière. Le travail à la machine fausse cette notion.

3- De sentir l’odeur, écouter les sons, observer les failles et les couleurs, caresser l’épiderme du matériau pour reconnaître le grain, le fil, la fibre, la montée en chaleur (les 5 sens).

4- Le métier marque l’homme. Les rapports humains sont différents d’un métier à un autre (ex :métiers de chantiers et métiers d’ateliers…)

5- d’attitudes, de positions au travail pour libérer les énergies et diminuer les efforts aliénants (y compris dans l’apprentissage d’un instrument de musique).

6- D’apprendre les gestes de bases : frapper, scier, percer ou visser, lever, transporter.

7- Peu de coups mais là où il faut : contrôler son geste et son énergie, se concentrer, ressentir le matériau et ses réactions aux coups et aux vibrations ;

L’adolescent doit donc dompter son corps par des gestes inscrits depuis l’aube de l’humanité et entrer en contact avec le matériau de son métier, entrer en fait, globalement, en contact avec l’Univers et en prendre conscience pour le découvrir.

A partir du premier coup de marteau, il se concentre et commence un voyage qui le fait s’intérioriser, entrer en lui-même. Une introspection pour parvenir à une transformation complète. Ce premier coup de marteau aura une influence irréversible sur la vision qu’il aura du monde. Il doit donc apprendre les « gammes de gestes du métier » qui iront s’inscrire graduellement dans sa mémoire profonde, ce qui libérera sa mémoire de travail : des études sur les sportifs de haut niveau ont permis d’identifier le phénomène.

3 – Le second seuil : maîtriser son geste.

La seconde phase de l’apprentissage consiste pour la plupart des métiers :

1- à équarrir, créer des carrés, des rectangles, des triangles, des équerres, des cadres, des cubes, des parallélépipèdes, ou encore des ronds qui s’inscrivent dans des carrés ou des ellipses dans des rectangles…

2- maîtriser de plus en plus son geste, être de plus en plus précis pour participer avec d’autres à l’élaboration d’assemblages précis afin de créer un ensemble cohérent..

3- Un homme de métier doit naturellement posséder la géométrie. C’est à partir de cet instant seulement que la géométrie (le « trait », la descriptive) doit lui être enseignée. L’œuvre humaine semble se caractériser, sauf exception, par la géométrie.

4- Faire et rectifier : l’apprentissage s’effectue par expérimentation puis rectification successives, par expérimentation puis théorisation de cette expérimentation A ce niveau d’apprentissage, il faut d’abord agir puis en tirer des conclusions.

5- aiguiser et affûter : la précision du geste s’accompagne de la connaissance de l’aiguisage, de l’affûtage et du morfilage ; de l’étude de l’angle d’attaque en fonction de la dureté du matériau. Tout de l’homme à l’outil doit être affûté en deçà de quoi le professionnel restera un bricoleur.

4- Le troisième seuil : les assemblages.

La troisième étape de l’apprentissage repose sur l’étude des assemblages et à leur réalisation. Plus l’ouvrage est petit, plus l’assemblage doit être précis. Plus il est précis, plus les éléments assemblés seront cohérents sur le plan mécanique et harmonieux sur le plan esthétique : ce qui est bon est beau… Pour le bâtisseur il devra tenir compte des lois universelles, des lois de la nature, de sa responsabilité face aux hommes. Il additionne les modules jusqu’à atteindre le gigantisme. Si l’universitaire entrevoit les choses « de l’ensemble au détail et du détail à l’ensemble » (en fait, il ne rentre que très rarement dans le détail) l’apprenti prend contact avec l’univers par la logique inverse, en commençant par le détail.

5 – La théorie après la pratique : la théorie est incontournable pour le progrès technique de l’apprenti. Mais la théorie doit être en rapport direct avec l’expérience, tout au moins pas avant d’atteindre les 2 premiers seuils de l’apprentissage. Faire de la théorie, c’est entrer déjà dans le perfectionnement. Or, chaque seuil doit être atteint dans l’ordre et successivement. Tout est question de dosage que le maître doit évaluer justement. La théorie sera importante en perfectionnement, pour entreprendre un dialogue équilibré avec les théoriciens du métier (donneurs d’ordre, maîtres d’oeuvres, contrôleurs, ingénieurs…). Le savoir est porteur de mystères et de pouvoir. L’homme de métier évolue lui dans le monde de la connaissance. Il doit donc apprendre le langage du savoir pour se faire comprendre. La seule chose qui doit être clairement définie en théorie et dès l’entrée en apprentissage, c’est l’objectif du métier : « le couvreur rend les toits étanches », « le boulanger fabrique du pain comestible et sain ». Les qualités techniques sont prioritaires sur les qualités esthétiques, tout au moins à ce niveau.

6 – La modélisation.

Copier et recopier les meilleurs exemples décelés par le maître d’apprentissage à l’exemple des grands peintres qui dessinent et redessinent toujours, qui copient et recopient les œuvres des grands Anciens, « à la conquête d’une habileté aux origines invisibles ». De l’observation du maître, passer à l’observation des ouvrages, déceler et recopier le juste sens des choses jusqu’à imprégnation.

7 – L’imagination au travail.

Copier et répéter des gestes laisse très souvent place à l’imaginaire, à l’intuition, ce que Feller et les charpentiers appellent le génie. L’imaginaire permet alors de créer de nouvelles solutions pour gagner du temps, économiser ses forces ou proposer un produit nouveau. La création d’images crée des envies qui motivent l’individu.

8 – L’apprentissage est une initiation véritable.

L’apprentissage est une initiation véritable qui permet à l’individu immature et dispersé, de se transformer en homme mature, concentré et responsable.

1- Comme tous les initiés, il sacralise des instants, des lieux, des outils, des évènements, il crée des rituels et se conforme à la tradition. Le matériau qu’il travaille est sacralisé, le gâchis est intolérable ; la conscience de la nature (biosphère) s’établie clairement.

2- On se sent du métier quand on nous donne nos outils même si on sera véritablement du métier plus tard. L’outil, dans ce cas qualifie l’homme de métier, tout comme l’habit de métier. Tout au moins, l’outil et en second lieu l’habit identifie l’apprenti à sa famille de métier.

3- Les émotions ont un rôle fondamental incontestable pour la « motivation » vers l’accès à la connaissance ; autrement dit, comme processus interne, personnel, fixant la direction et la vigueur avec laquelle cette direction va être prise. Elles déterminent la motivation, le comportement de l’individu, son attitude face à la vie.

4- De là, l’importance que porte tout maître d’apprentissage à la première poignée de main. En lui rendant vigoureusement cette poignée de main, l’adolescent lui répond : « je suis prêt à vous suivre, j’ai soif de connaître… » Il faut à cet instant précis que le courant passe : « D’accord, je te fais confiance, j’accepte de te léguer mes valeurs morales et techniques, es-tu prêt à les recevoir, à les entretenir et à les enrichir ? » semble lui dire l’ancien ; « D’accord, je te fais confiance, je suis prêt à recevoir ton legs et je tâcherai d’apporter ma contribution par mon imagination que je concrétiserai grâce à la maîtrise de la matière et de mes gestes pour ensuite le léguer à la génération suivante », répond alors le jeune en silence. Le génie n’est-il pas la capacité d’intuition et d’imagination d’une réalité qui nous était jusqu’alors cachée ?

9 – Les conditions de l’initiation sont réunies.

1- Le sevrage, la séparation du milieu infantilisant : l’entrée dans un groupe avec de nouvelles règles (règles du métier, de l’entreprise, règles de l’art…)

2- La purification : le contact avec le matériau, les éléments, les gestes de bases (frapper, couper, percer…) ébranlent les certitudes de l’adolescent, le fragilise (ses écrans de protection, ses barrières tombent : il a le cœur à nu) , et le met en position d’écoute et d’observation.

3- La sacralisation des attitudes, des gestes et de la parole. (vocabulaire de métier, lieux ou machines interdits, fête du métier, temps solennel pour la fin d’un ouvrage, pour l’accueil…)

4- Pratique, rectification et obéissance aux nouvelles règles.

5- La transmission de valeurs universelles (fondamentales) par un psychodrame (ouvrages ratés, temps dépassé, attitudes inefficaces, blessures par maladresse…)

6- L’apprentissage des mythes fondateurs (dans le métier, l’entreprise, les grands anciens du métier, les ouvrages remarquables qui sont sortis des mains des meilleurs de l’entreprise)

7- Graver dans la mémoire par la mémoire du corps (répétition des gestes de bases qui sont loin d’être naturels).

8- Identifier l’initié à sa nouvelle société (il est charpentier, tailleur de pierre, non plus le fils de famille…)

9- Accéder aux mystères et secrets (de métiers, tours de main, recettes…)

10- La palingénésie (mort et renaissance) : la mort de l’enfant et la naissance de l’adulte se réalise avec le temps par la transformation physique (musculaire), psychique (concentration et sérénité) et spirituelle (transmission et valeurs intrinsèques, conscience de la biosphère…).

10 – L’âge idéal en apprentissage.

Entre 12 ans et 14 ans, semble être l’âge idéal pour faire un apprentissage de quoique ce soit. Le recrutement des centres de formation sportive s’opère à cet âge là. Les métiers sensibles, artistiques, sportifs ou manuels s’apprennent de jeunesse. Cependant, l’apprentissage d’un métier à 12 ans n’est possible qu’à partir d’une qualité totale du maître et des conditions de vie du métier. Mais non seulement ! L’apprentissage ne peut être envisagé qu’à condition d’une possibilité de scolarisation pendant toute la vie d’un individu à chaque fois que nécessaire. Condition qui n’est toujours pas d’actualité. L’apprentissage premier ne peux pas commencer après 20 ans, au delà de quoi l’homme de métier sera toujours un peu maladroit. Il faut prendre cependant en compte les activités pendant la jeunesse : sport, instrument de musique, jardin ;. Accompagnement des parents pour des travaux manuels. Cependant, il faut considérer toute la vie comme un apprentissage. L’apprentissage pendant l’adolescent est cependant primordial, les suivants partiront malgré tout de la même démarche (mêmes phases).

11 – Pourquoi un Apprentissage manuel à l’époque des machines ?

1- L’apprentissage est une préparation, une première étape de l’accès à la maîtrise. Tout comme l’apprentissage de la lecture et des 4 opérations en ce qui concerne l’accès aux études scolaires. Le travail à la machine déforme toutes les notions (poids, mesures, dureté, cohésion du matériau). Le contact et le travail direct sans la médiation de la mécanisation permet d’enregistrer les notions réelles. Par la suite, ces notions étant enregistrées dans la mémoire profonde, on peut y faire appel naturellement sans effort et concentrer son attention sur la machine.

2- La méthode de travail est une préoccupation permanente quand on travail à la main afin d’éviter de refaire une phase qui a nécessité du temps. A la machine, le temps est moins compté.

3- L’apprentissage nécessite la mobilisation de tous les sens. Quelque soit d’ailleurs le type d’apprentissage. De nombreuses expériences sont faites aujourd’hui dans ce sens. Par exemple, l’apprentissage de la lecture, avec l’aide de lettres en bois de forte épaisseur, permettent grâce au toucher, d’être plus efficace que l’apprentissage habituel. Or, l’utilisation de la machine ne permet pas de mobiliser suffisamment les sens.

4 – L’apprenti se transforme : d’abord physiquement puisque l’exercice physique de métier va participer au développement de sa musculature et l’adapter aux nécessités du métier, tout comme en ce qui concerne les sportifs. Mais aussi mentalement et psychiquement : il apprend à concentrer son attention et aussi son énergie. La violence plus ou moins contrôlé de l’adolescent est due à des tensions internes issues de son développement physique. Le travail physique permet de canaliser ces tensions et cette violence. Le travail du matériau permet d’étalonner et d’échanger avec la matière à basse fréquence. La relation et l’influence du corps sur le cerveau sont directes. Ce phénomène est démontré par le neurobiologiste Francisco Varela, « …toute voie est circulaire, du cerveau au corps et du corps au cerveau ; ou même d’une partie du cerveau à une autre partie du cerveau qui lui répond. Nous sommes littéralement traversés par un champ interne de perturbations que produit lui-même notre organisme et dont les émotions sont la conséquence ». Si, comme le détermine les scientifiques, les émotions expriment 2 tendances, l’envie et l’aversion, la violence se transforme alors en énergie d’envie parce qu’elle ne casse pas mais qu’elle crée sous les coups du marteau.

5 – Autorité-obéissance : l’adolescent est donc poussé biologiquement à casser les barrières, tout au moins à repousser les limites qui l’encadrent. L’acceptation d’une autorité quelconque n’est pas facilement supportable. Or l’apprentissage nécessite au moins 2 types de soumissions aux règles, aux lois et aux limites : celles du matériau et des machines ; celle du maîtres et des usages du métier.

12 – Pourquoi faut-il qu’un adolescent soit soumis à des limites ?

1- Pour pouvoir les transgresser… Un adolescent qui ne transgresserait pas les règles aurait son champs de vision du monde limité. Il ne couperait pas le cordon ombilical virtuel et ne serait pas préparé à affronter la vie. Il aurait toujours besoin de sa tutelle pour le protéger et ne prendrait donc pas son autonomie, première étape de l’accession à la liberté individuelle, à la responsabilité sociale, en fait au véritable épanouissement individuel. Par contre, si les limites sont trop facilement transgressibles, les risques que peuvent prendre un adolescent sont infinis et peuvent aller jusqu’à la mort (suicide ou accident) en passant par l’addiction à des produits dangereux pour sa santé et son intégrité. S’il échappe à ça, il ne pourra devenir un maître (autrement dit une personne juste ayant la volonté de transmettre des valeurs vraies) qu’après de nombreuses difficultés.

2- Les lois de la matière : il faut donc des limites justes et fermes. Or les lois de la matière ne sont pas transgressibles. Elles sont par définition justes et on ne peut plus fermes. Par contre la matière possède plusieurs niveaux de lois qui peuvent être atteintes et dépassées au fur et à mesure de l’évolution du savoir faire de l’homme de métier.

3 – Les lois de la transmission : la nécessité d’imitation pour apprendre un geste ou une technique met l’apprenti sous la « coupe » du maître d’apprentissage comme il l’a été avec ses parents pendant l’enfance. Pour que le Maître accepte de donner son savoir-faire, l’apprenti doit accepter ses règles. En particulier ses règles de savoir-être. L’adolescent sent qu’il doit imiter l’adulte dans ses attitudes de vie, que ce dernier balise. Si le balisage n’est pas respecté, l’adulte ne livre plus son capital savoir. En fait nous sommes dans une réelle relation de confiance ou le transmetteur et le receveur échangent des ondes hors parasites. La confiance est donc la seule vraie condition de la transmission. Mais le Maître doit être juste, tout au moins globalement, sous peine aussi de parasiter la connexion. En définitif, il n’est pas facile d’être un vrai maître mais comme il n’est pas facile d’être parents….

13 – Les qualités développées par les métiers.

1 – L’imaginaire : le travail des matériaux, la répétition des gestes, les éléments ( le feu hypnotique , l’eau fuyante, la terre fournisseuse, l’air porteur…), les sens ( les bruits, les odeurs, les couleurs, les saveurs, les sensations tactiles), favorise la création d’images dans l’esprit de l’homme de métier. Elles permettent de découvrir des essences enfouies.

2 – La concentration : se concentrant pour être précis et efficace, il rassemble ses énergies, il retrouve son unité. L’adolescent a tendance à la bipolarité, la schizophrénie. Les métiers sensibles ( Hommes de métiers manuels, sportifs, musiciens…) permettent de retrouver son unité.

3 – Le sens du sacré (métaphysique en dehors de toutes croyances sinon en l’homme et à la vie) qui donne une dimension sublimée à la vie.

4 – Le sens de l’engagement : Quand on commence un ouvrage, on le termine, si un problème survient, on le règle, quand on fait une erreur on la répare quitte à y passer la nuit ou un dimanche… C’est l’ouvrage qui commande.

5 – L’ordre et la méthode sont indissociables de la maîtrise.

6 – La ruse et non pas la fourberie, ce que les charpentiers nomment le « génie »

7 – L’efficacité : faire ce qu’il faut et le faire comme il faut.

8 – La justesse et la précision : peu de coups de marteau mais là où il faut.

9 – Le sens de la transmission : solidarité entre les générations.

10 – La recherche de perfection : l’envie de parfaire son geste, son ouvrage. L’ouvrage est à la fois fini et infini dans tous les sens des termes.

11 – Le développement de l’intelligence inductive : le monde rationnel et l’école développe l’intelligence déductive. . La physique d’un corps, sa réaction, son comportement à terme, sa déformation, sa relation avec un autre corps,… peuvent être expliqués par l’intelligence déductive. L’intelligence inductive permet de comprendre intrinsèquement l’ensemble des paramètres.

12 – La réalité, le réel : le charpentier taille une charpente qui est bien réelle ; il n’y a pas de place à l’illusion. Le responsable d’un ouvrage ne peux pas faire illusion. Il ne vit pas dans un monde virtuel. Le contact permanent avec le réel développe l’intelligence inductive qui permet de comprendre au delà du savoir.

13 – L’autonomie préalable à la liberté est la recherche permanente de l’homme de métier, qui par sa compréhension intrinsèque du monde et de la matière, lui permet de résoudre un maximum de difficultés.

14 – le sens de l’observation et de l’écoute.

15 – le sens de l’économie (économiser) : économie du geste, du matériau, de la parole.

14 – Les valeurs des métiers :

1 – La justesse développe le sens de la justice (éthique personnel).

2 – La tolérance : tendre vers la perfection, n’est facile pour personne. Etre tolérant, c’est donc être juste. Cependant, accepter l’erreur répétée (plus de trois fois) n’enseigne rien.

3 – L’équité : une égalité au prorata de son savoir-faire ; chacun a un rôle à jouer dans une équipe et les droits sont proportionnels à la valeur ajouté qu’apporte chacun des individus dans l’équipe. Il est nécessaire d’être juste.

4 – La solidarité : Il est très difficile de travailler seul, tout au moins en ce qui concerne la manutention. Il est aussi nécessaire d’être solidaire des apprentis qui sont un pari sur l’avenir. La fraternité n’est pas un mot d’esprit.

5 – la prudence : envers soi, les autres, le client, l’ouvrage lui-même. Il y a, tout d’abord une dangerosité physique inéluctable, tout comme dans le sport…

6 – La patience : l’ampleur de l’ouvrage et la qualité physique d’un matériau détermine un temps d’exécution incompressible. (rapport dureté-durée).

.

14 – Conclusion.

L’apprentissage s’effectue par expérimentation puis rectifications successives, par expérimentation puis théorisation de cette expérimentation ; par adoption mutuelle de l’apprenti et de son maître d’apprentissage. Le premier contact est donc capital (dont la première poignée de main). Le jeune se met sous la coupe de l’ancien qui lui assure une tutelle dans le métier. Avoir été l’apprenti d’untel compte pour la suite du cheminement. Le rapport de confiance est fondamental puisque l’ancien se met à nu, se livre totalement sous le regard clairvoyant du jeune. Le jeune se met aussi à nu sous l’oeil expérimenté de l’adulte. Le virtuel autrement la conception intellectuelle devient de plus en plus présent dans les métiers pour simuler, dessiner, projeter : mais l’illusion est impossible, le tricheur est vite démasqué. A ce seuil là, l’apprenti s’intègre dans la filiation qui lui permet de profiter de la somme intégrale mathématique de l’aventure humaine qui s’est déroulée depuis le premier Homo Faber. Fort de ce bagage, il peut alors participer, grâce à son propre génie, au progrès de l’humanité. La répétition des gestes laisse très souvent place à l’imaginaire, à l’intuition qui crée de nouvelles solutions pour économiser du temps et ses forces ou proposer un produit nouveau.

Tendre vers la maîtrise n’est autre que de rechercher et de trouver le geste juste et précis. Loin d’être naturel, il mettra l’impétrant sur la voie universelle et de la nature (avec leurs lois). Avoir le geste juste mais aussi penser juste, parler juste, agir juste sont sans doute les actes qui définissent la Maîtrise. Atteindre la maîtrise nécessite, en fait, des apprentissages successifs succédant au premier et primordial. A chaque fois les seuils sont identiques mais plus rapidement atteints compte tenu du capital gestes, techniques, attitudes, emmagasiné dans la mémoire profonde. Le Maître est imprégné du métier. Tout acte devient naturel avec une facilité qui déconcerte les néophytes. Le rapport à la nature des choses est évidente et franche. A cet instant seulement, sans doute, touche-t-on à l’épanouissement et à la liberté individuelle.

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