Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
déc
13

Repenser l’école

Ecrit par Dominique

Il faudra donc, à l’école, repenser son attitude. Pour cela, repenser l’attitude des enseignants mais aussi le rapport avec les parents. L’entreprise, devra aussi s’investir dans l’école, plutôt que de s’en méfier, de s’en détourner, de la critiquer systématiquement. L’école a déjà fait un effort ces dernières années : des stages de plus en plus nombreux sont prévus, qui ne sont pas aisément acceptés par l’entreprise. L’entreprise souhaite une adaptation rapide d’un jeune mais ne souhaite pas lui consacrer de temps. Cependant, à sa décharge, l’école ne s’ouvre pas facilement aux suggestions et l’organisation au plan national est figeante. Toujours est-il qu’un dialogue doit s’instaurer entre l’école et l’entreprise, en faisant appel aux entreprises  pour des interventions dans l’école en général et non pas simplement au niveau des écoles professionnelles supérieures. Non seulement, il faudra développer  l’immersion des enseignants dans l’entreprise ; pour se faire, chacun se reconsidèrera mutuellement, que le ministère concerné repense son budget, que les entreprises investissent dans le domaine de l’éducation ou tout au moins utilisent la taxe d’apprentissage judicieusement ; qu’elle considère cette taxe non pas justement comme un impôt exclusivement réservé à l’apprentissage,  mais comme  une ligne d’investissement, véritable source de richesse dans l’achat de matériels ou de matériaux spécifiques que les lignes budgétaires propres à l’école ne laissent pas envisager . Bien sûr, il sera essentiel de repenser l’architecture des lieux d’enseignement afin d’éviter l’effet de masse. Il faudra aller jusqu’à démolir les « cages à lapins » stressantes et dangereuses, tant en ce qui concerne la sécurité des élèves que celle des enseignants…

Mais, davantage encore, il faudra comprendre que le savoir n’est plus l’essentiel de l’enseignement puisqu’il sera rapidement dépassé. Chacun pourra interroger instantanément toutes les banques de données du monde entier à l’aide d’un téléphone portable. N’était-ce pas le rêve caché d’Erasme : « … constituer une bibliothèque qui n’ait d’autres limites que celles du monde » (Adages, 1508). Il sera facile de se faire expliquer un concept, un cours à distance par un enseignant, d’individu à individu (ce qui fera aussi évoluer le statut d’enseignant). Nous ne voyons que le début de cette révolution, ce n’est rien encore… Nous sommes au même carrefour que lorsque l’écrit supplanta l’oral ou que l’imprimerie remplaça la calligraphie. Platon le décrivait dans Phèdre, étonné qu’il était du développement de l’écrit, tout comme nous pouvons l’être aujourd’hui de l’informatique ou de la « cybertoile ». « Quand les citoyens mettent leur confiance dans l’écrit, c’est du dehors, grâce à des empreintes étrangères, non du dedans et grâce à eux-mêmes, qu’ils se remémoreront les choses ».

La mémoire était une faculté essentielle et impressionnante dont il ne nous reste que quelques bribes. Elle régnait sur l’information, les divertissements, les techniques, la transmission, le commerce et l’éducation. Chacun avait besoin de la mémoire et elle était travaillée tout comme les autres arts qui, par ailleurs, dépendaient d’elle. Cicéron, qui estime que « la mémoire est trésor et gardien de toutes choses », présente le poète Simonide de Céos comme l’inventeur d’une technique qui fut utilisée jusqu’à la Renaissance, basée sur deux principes simples : celui des lieux et celui des images.

St Augustin cite avec admiration le cas de l’un de ses amis, capable de réciter tout Virgile – à l’envers ! St Thomas d’Aquin, Pétrarque, entre autres, étaient réputés pour leur remarquable mémoire. Ces exploits étaient monnaie courante et des concours étaient organisés sous forme de tournoi ; le champion était alors couvert de lauriers. Au début du 20ème siècle, des concours identiques avaient encore lieu dans le Caucase. Cette tradition perdure chez les griots d’Afrique. Toute la tradition celte ou étrusque n’était basée que sur la mémoire : l’écrit n’existait pas. L’attitude se transforma encore après l’invention de l’imprimerie. « Après Gutemberg, tout ce que la mémoire avait, dans la vie quotidienne, à la fois régi et servi, passa sous l’égide de la page imprimée. A la fin du Moyen-Age, les livres manuscrits avaient été, parmi la classe restreinte des lettrés, une aide à la mémoire. Mais le livre imprimé était infiniment plus transportable. Il était aussi plus exact, plus facile à consulter et touchait, bien sûr, un public plus large », nous rapporte Daniel Boorstein, (Les découvreurs, édition R. Laffont). Il ajoute : « Le livre imprimé était un nouveau dépositaire de la mémoire, supérieur de mille manières à ces réserves individuelles, intérieures et invisibles, que chacun avait pu constituer jusqu’alors. Déjà, lorsque le codex de pages manuscrites reliées avait remplacé le long rouleau des origines, il était devenu bien plus commode de faire référence à une source écrite ». Nous nous retrouvons encore à ce type de tournant incontournable. Il nous faut donc l’accepter et en faire bon profit, faire évoluer l’enseignement en fonction du progrès : l’enseignement -tel que nous le connaissons aujourd’hui- vit ses dernières heures. Certains pays, plus pragmatiques que les pays latins, sont déjà sur cette voie, comme les pays asiatiques ou plus près de nous, ceux de l’Europe du Nord.

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