Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
nov
22

Chrétien de Troyes

Ecrit par Dominique

Chrétien de Troyes

Le créateur de la Légende du Graal, de Lancelot, de Perceval, du développement de la légende d’Arthur et de Merlin l’Enchanteur  est donc le créateur du roman littéraire et initiatique. Le conte du Graal fonde le mythe le plus important du Moyen Age. De ce texte énigmatique et fascinant va procéder toute une moisson de chefs-d’œuvre, de représentations et de questions qui continuent d’inspirer l’imaginaire occidental. Nombre de thèmes lui seront confiés par Marie de Champagne, épouse d’Henri le Libéral et fille d’Aliénor d’Aquitaine et du roi Louis VII.

On ne sait quasiment rien du plus grand romancier français du Moyen Âge si ce n’est qu’il était clerc, il était tonsuré. Tout d’abord il se consacre à la traduction et à l’adaptation d’Ovide (« Les Métamorphoses », « L’Art d’aimer ») qui influence sa vision de l’amour. Elle lui permettra l’approche de la poésie et de la rhétorique. L’inspiration provençale qui complète la conception ovidienne de l’amour en magnifiant le rôle de la dame lui a sans doute été communiquée par Marie de Champagne, héritière par sa mère du goût de la courtoisie et des Lettres.
Enfin, homme de cour, Chrétien a été en contact avec les œuvres les plus récentes de la « matière de Bretagne » grâce aux relations privilégiées entretenues entre la Champagne et l’Angleterre. Si Chrétien n’est pas l’inventeur du roman breton, il est toutefois à l’origine de son développement et de plusieurs thèmes qui seront abondamment repris par ses continuateurs (quête nuptiale, spiritualité).

Au 12e siècle, certains auteurs délaissant l’Antiquité s’attachent à l’épopée celtique. Le premier à l’utiliser est Wace dont le  » Brut  » (1155) dédié à Aliénor d’Aquitaine est une adaptation de « l’Historia britannicae » (1136) de l’évêque gallois Geoffroy de Monmouth. La « matière de Bretagne » a pour cadre les aventures d’Arthur et des Chevaliers de la Table ronde transposées au 12e siècle.

Chrétien de Troyes entre en 1162 sous la protection de Marie de Champagne. Le livre où Ovide enseigne comment chacun doit réprimer son amour n’est autre que les Remedia Amoris de Chrétien de Troyes (la Traduction de Chrétien est mentionnée au début de Cligés). « L’Art d’Aimer » d’Ovide est le livre phare de la cour d’Aliénor d’Aquitaine avec qui Chrétien de Troyes restera en forte relation. On le retrouve d’ailleurs en voyage à Nantes pour le mariage de Geoffroy et de Constance.

En 1181, au décès du comte, il s’installe à la cour de Flandre aux côtés de Philippe d’Alsace jusqu’à la fin de sa vie. Quelques unes de ses connaissances géographiques et culturelles amènent à penser qu’il aurait quitté le Nord-Est de la France pour séjourner en Angleterre et en Bretagne.

Chrétien de Troyes est l’auteur de cinq romans en vers : Erec et Enide (vers 1170), Cligès (v. 1176), Le Chevalier de la Charrette (Lancelot) et Le Chevalier au Lion (Yvain) (v. 1178-1181) et Le Conte du Graal (Perceval) (v. 1182-1190). Les aventures des chevaliers, héros de ces romans ont bien entendu un sens symbolique : il s’agit de la quête d’une identité. L’amour tient également une large place, qui ne se réalise pleinement que dans le mariage. Il a également écrit deux chansons d’amour qui sont les plus anciennes connues en langue d’oïl, ainsi qu’un bref récit ovidien, Philomena.

Le fond de ces ouvrages s’articule sur deux thèmes que Chrétien met en rivalité : l’amour et l’aventure chevaleresque. Il utilise un procédé déjà employé dans les chansons de geste, à savoir le recentrage périodique du récit autour d’une cour royale qui se tient lors des grandes fêtes du calendrier. De cette cour, lieu de rassemblement de l’aristocratie, le héros part en errance, profite de l’hospitalité d’un vassal, combat puis retourne auprès d’Arthur.

Les deux cours fréquentées par Chrétien possédaient un haut niveau culturel rendu en partie possible par la stabilité politique et la richesse commerciale de la Champagne et de la Flandre. Grâce à sa prospérité, un cercle d’aristocrates éclairés entretenait des artistes auxquels ils commandaient des ouvrages. Ainsi, Marie de Champagne fut le commanditaire du  » Chevalier à la charrette  » comme Chrétien le souligne dans le prologue. Outre le sujet, la comtesse lui a certainement donné quelques directives pour mener à bien sa tâche. Pour une raison qui ne nous est pas connu elle a confié la rédaction de la fin du livre à un autre clerc, Geoffroy de Lagny. Philippe de Flandre a commandé l’ouvrage à Chrétien concernant « l’Histoire du Graal » et lui a procuré l’historiette de base. Quant au « Chevalier au lion » et à  « Erec et Enide » nous savons que l’auteur s’inspire de contes mais il ne précise pas lesquels ni si on lui a demandé d’en faire des romans.

Le public ne se compose pas seulement de rois et de comtes ; le seigneur, les chevaliers de sa mesnie et surtout des bacheliers (jeunes qui faute de pouvoir se battre se réfugient dans l’audition d’exploits chevaleresques) se réunissent autour du clerc. Ils ne semblent pas étrangers au genre du conte celtique puisqu’ils sont sans cesse renvoyés à un ensemble de faits et de noms censés être déjà mémorisés par eux…

Parce que Chrétien favorise le réalisme au détriment du merveilleux et parce qu’il transpose les légendes dans un cadre familier, il permet au public de s’identifier aux personnages et aux situations. Il reflète par le truchement de son oeuvre la vision que la noblesse a d’elle-même ou qu’elle veut propager. Cela se traduit par des embellissements, des déformations et des exagérations dont on se demande si elles trompent ou non l’auditoire. Celui-ci s’imprègne d’un modèle de relations sociales, de bonnes manières amoureuses et de comportement général que Chrétien (sous l’injonction des commanditaires ?) reproduit au fil de ses romans. Il écrit parfois explicitement ce qu’il pense ou ce qu’il doit faire passer. Un style nouveau donc et une approche personnelle limitée par les contraintes et les attentes d’un public spécifique.

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