Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
déc
11

Le monde enchanté d’où nous sommes issus…

Ecrit par Dominique

Le monde enchanté d’où nous sommes issus

Personne et rien n’est issu de rien ! Lapalissade, nous dirons-nous, mais qui, pour autant, n’est pas aussi évidente que nous pourrions l’exprimer. En effet, l’Ecole nous a enseigné que les Romains avaient assimilé les Celtes pour former en 2 ou 3 siècles, une nouvelle civilisation gallo-romaine. Que nenni ! Si les riches gaulois ont voulu ressembler aux colonisateurs romains, le peuple, lui, a continué de pratiquer ses usages culturels et cultuels. Or, plus vous pénétriez dans la Gaule ou la Francie profonde, plus la civilisation romaine tardait à marquer son empreinte. Plus encore ! Il est des régions où rien ne permettait de penser, 10 à 15 siècles plus tard, que la mécanique romaine, puis catholique romaine, avait fait son œuvre. 

Il est aussi un espace particulier, vierge de toute assimilation, de toute insertion, la forêt. Peuplée de fendeurs, de charbonniers, de ferrons, de sabotiers, de glaneurs, de routiers et de brigands, d’exclus de toutes sortes, de sorcières et de mages, la forêt est un territoire non pas franc (pas libre) mais hors du temps et de l’organisation sociale. Entrer en Forêt, c’est entrer dans un monde mystérieux, entouré de sylves et d’elfes, d’animaux sauvages souvent sacrés. Dans la « gaste forêt », selon l’expression consacrée, l’homme des bois mime l’animal sauvage. Pour autant, il est rattaché à une horde, à un clan. Pour être accepté dans ce clan, tout un cérémonial est nécessaire, venant du fond des âges. Ce que nous évoquons comme une initiation, et que certaines organisations proposent encore aujourd’hui (Compagnons, Francs maçons, etc.), est souvent empreinte du sceau des « boisilleurs ». Au milieu du 2e millénaire, les cérémonies d’initiation gardaient le secret des 1er homo-sapiens. Les Celtes en avaient été les gardiens scrupuleux : les archétypes et les usages parlaient celtes.

Nourris de la civilisation très avancée de l’Inde, d’où leur peuple prenait leur origine, les Celtes développaient une religion animiste, où les dieux étaient foisons ; où les animaux fabuleux, dragons, licornes, phœnix ou sirènes, frayaient avec les fées, les tritons et les guerriers valeureux. Très tôt, proches des Etrusques et des Grecs avec qui ils commerçaient, et à qui leurs frères Galates étaient assimilés, leur art fut apprécié. Leurs racines étaient communes et le commerce les enrichissait mutuellement tant au plan économique que culturel.

Aussi, les églises regorgeaient-elles de triskèles, de svastikas, de rouelles, de feuilles de chêne, de vouivres et autres « chairs salées » ; de dieux cornus sylvestres prêtant leurs traits aux « Baphomet(s) » templiers ; le culte des têtes, les bucranes de chevaux et de bœufs, les sangliers et les porcs, les escargots et les grenouilles éveillaient encore et toujours la curiosité et l’esprit des manants et des rustres. Les bas reliefs formaient un livre d’images fabuleux et évocateur. Les maçons et les tailleurs d’images (sculpteurs), issus du peuple ou de plusieurs générations d’hommes de métier, portaient en eux la somme mathématique des croyances. Mathématique et géométrique… Leur Art était issu de l’école des moines-bâtisseurs, Bénédictins et Cisterciens, dont la géniale idée fut d’adapter les connaissances ancestrales au service de la chrétienté. Saint Bernard, lui-même, se rapprocha des rigoureux moines irlandais, qui tiraient leur tradition de la filiation sacerdotale (druides) des Celtes, dont le territoire n’avait jamais été conquis par les Romains. 

La finesse de l’art celte peut se résumer en deux techniques : la métallurgie (le travail du métal) et le tracé au compas. Les figures géométriques à base de courbes les plus complexes ornaient les bijoux et les armes des gaulois. Ils possédaient beaucoup d’or, ce qui étonna fort César. Depuis le Hallstatt (-1300 avant JC), leur compétence était reconnue dans tout le monde civilisé, en matière de métallurgie. Mais nous devons comprendre que, jusqu’à peu de temps, nous vivions dans un monde entièrement religieux ou tout au moins superstitieux. Extraire de l’or ou du fer d’un minerai difforme et vulgaire relevait de la magie. Les maîtres en la matière étaient considérés comme des intermédiaires entre les dieux et les hommes.

Dans ce monde animiste, minéraux, végétaux et animaux étaient tous habités de l’esprit d’un dieu. C’est de cette conscience là qu’est née, ce que la civilisation arabe intitulera « l’alchimie ». Les grandes civilisations égyptiennes ou chinoises avaient élaboré un art très sophistiqué à ce propos. Dans notre partie du monde, les grecs ont été les transcripteurs des connaissances égyptiennes en matière de techniques, de philosophie et de religion. Les Juifs, eux-mêmes, longtemps au service des pharaons, portaient les stigmates de cette civilisation. C’est par cette double entrée que le christianisme a établi sa doctrine. Ensuite, c’est par l’assimilation de la religion celtique, qu’un art religieux chrétien va s’élaborer en terre de France. 

Les Bénédictins, les Cisterciens, les Dominicains et surtout les Franciscains continuèrent l’œuvre alchimique entreprise depuis des millénaires. Les maîtres maçons, tailleurs de pierre, « ymagiers », héritaient de tout ce fond culturel pour créer l’art que plus tard, on désignera comme « roman », puis l’art dit gothique et ses différentes nuances (rayonnant, flamboyant, etc.). Au 13e siècle, on le qualifiait de français : « operum francigenum ». Il était prisé dans toute l’Europe et les « Maîtres d’œuvres » (Magister operum) du pays de France étaient recherchés.

Ils pratiquaient ce qu’ils nommaient « l’Art Royal ». Le terme royal n’évoquait nullement une quelconque soumission au roi, loin de là. Le seul roi auquel ils acceptaient de se soumettre était le Christ. La notion même de « Roi du Monde » était issue de la pensée celtique. Ces Compagnons ne taillaient pas simplement une pierre, ils ne gagnaient pas simplement leur vie, ils la vouaient à bâtir une cathédrale. Pour eux, la cathédrale était « le Temple de l’Alliance Nouvelle » recréée par le fils de Dieu lui-même. Bâtir une cathédrale était donc « plus » que construire un lieu de culte. Le bâtiment devait posséder les spécificités nécessaires à mettre le pèlerin en relation avec Dieu. Les Pères et les grands penseurs de l’Eglise, nourris de la philosophie platonicienne réintroduite en occident par les Arabes, reprenaient, en fait, les croyances ancestrales tout en les rationnalisant. Géométrie et Alchimie devaient donc présider à l’Architecture religieuse. De fait, la théologie officielle était aisément retranscrite par des ouvriers éduqués par l’Église et nourris de superstitions païennes (comme on se plaisait à qualifier la religion celte).

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