Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
juil
8

Le Mythe du Graal

Ecrit par Dominique

Le Mythe du Graal

(Un conte initiatique destiné au futur roi Philippe-Auguste).

 

Le conte du Graal est un conte merveilleux qui se déroule dans un univers où l’invraisemblable est accepté, où le surnaturel s’ajoute au monde réel sans lui porter atteinte. L’histoire racontée permet de dégager une leçon de vie, une morale. Ici, le conte reprend les bases du mythe celtique qui faisaient intervenir des êtres divins ou semi-divins: il constitue alors une croyance d’une communauté, d’un peuple. Le conte ou la légende s’apparente au mythe mais contrairement au mythe, ils ne reposent pas sur les divinités. Les personnages jouent des rôles bien définis. Ils représentent toutes les faces du lecteur dans son inconscient le plus profond.

Dans le conte du Graal, Perceval doit subir un parcours initiatique que le lecteur devra revivre dans son propre imaginaire. Le conteur détient la tradition. Par tradition on désigne un savoir immémorial absolu, auquel l’initié peut alors se relier. Ce « trésor » de la Tradition serait ainsi le maillon qui relie chaque initié à ses prédécesseurs, à ses initiateurs depuis l’origine des temps. Ce faisant, il reconstruira sa propre épopée et héritera ainsi d’une expérience humaine qui l’édifiera. Mais plus qu’une expérience humaine, le conte initiatique permet au novice, par ses épreuves et ses messages,  d’abandonner ses attaches tressées pendant l’enfance et de se créer sa propre vision du monde sans le prisme déformant de ses parents et tuteurs ; il lui permet de s’individuer et d’accéder à son libre-arbitre. Ainsi structuré, il sera prêt à prendre la responsabilité que lui dédiera le groupe dans lequel il est initié, fut-il destiné à devenir roi.

La Quête du Graal.

Alors hormis la métaphore du plat à poisson, le gradalis, qui deviendra plus tard le calice où fut recueilli le sang du Christ, ce que nous connaissons tous à Chrestien de Troyes, que représente la quête du Graal dans Perceval ?

Pour comprendre le phénomène mystique auquel est identifié le Graal, nous pouvons nous référer au témoignage de Plotin, ce philosophe Grec d’Alexandrie. En effet, la démarche entreprise par Chrestien de Troyes s’inscrit clairement dans cette tradition. Porphyre nous raconte : « Un jour que, lors de la fête anniversaire de Platon, j’avais lu un poème intitulé « le mariage sacré », et que, parce que beaucoup de choses y étaient dites sous l’effet de l’inspiration à mots couverts comme dans les Mystères, quelqu’un dit : «  Porphyre est devenu fou ». Plotin déclara, de façon à être entendu de tous : « tu as fait parler tout à la fois le poète, le philosophe et le hiérophante ».

Le Graal, pour Chrestien correspond à l’union qui constitue le terme de la remontée de l’âme vers son Principe. Or, l’union avec le Principe est un évènement rare et exceptionnel. Plotin nous enseigne que l’âme se prépare à cette union par la pratique de la vertu. Je cite : «  La pratique des vertus et plus précisément des vertus contemplatives surtout, permet à l’âme de se fondre dans l’Esprit. Car l’âme ne peut s’unir à l’Un que par l’intermédiaire de l’Esprit auquel il est préalablement identifié. L’âme, dès lors, méprise le fait de penser. Elle n’est plus en mouvement parce que celui qu’elle voit n’est pas en mouvement lui non plus. Pourtant, si elle contemple, c’est qu’elle est devenue Esprit. Dès lors, l’Esprit retourne vers l’Un et s’unit à Lui. Cette union consiste en une  vision, en un toucher. Cette vision est soudaine ; elle consiste en une présence qui provoque une certitude silencieuse. Elle  provoque un état de bien-être. Mais cependant, après quelque temps, l’âme retourne dans le corps qu’elle habite provisoirement ».

Chez les continuateurs de Chrestien de Troyes, seul Galaad, le plus pur des chevaliers, le meilleur des Chevaliers du monde est en mesure de connaître cette dimension extatique qui le met en présence du Graal.

Ainsi sans doute, le dernier lieu de la quête est-il baigné d’Amour ? Mais l’amour véritable n’est accessible qu’en pleine possession de sa liberté : la liberté ignore la peur ; le héros ignore la peur. Le héros n’a plus peur parce qu’il est libre, sans contrainte ni attachement ; son don est total, sans retenue. Il aime d’un amour sans équivoque, sans contrainte ni astreinte. Il aime parce qu’il est libre. Il aime parce que c’est sa liberté. En cela, la quête est éternelle : elle est de tout temps, de toute race et ethnie. Elle apparait au profane dès l’enfance ; c’est la tradition qui confie à l’initié les moyens d’y accéder, pour peu qu’il s’y consacre totalement ; c’est d’ailleurs en cela qu’il doit avoir la foi. Et c’est cette conscience totale de la vérité de l’Amour qui rend la Lumière à l’être qui se libère. Ou mieux encore, c’est la liberté enfin acquise qui donne la Lumière de la Vérité, qui ne se vit que dans l’Amour.

Or ce que nous apprennent les traditions, c’est à devenir des êtres libres, le reste advient comme une phénoménologie tel que vient de le témoigner Plotin. Le plus difficile à l’homme est de se libérer de ses propres entraves ; de se libérer vraiment. C’est tout le combat des chevaliers de la Table Ronde qui tuent leurs démons et leurs fantasmes, qui franchissent des ponts et traversent des failles rocheuses, qui survivent aux lits des merveilles et qui abandonnent leurs biens.  

Conclusion

Pour conclure, le véritable secret du Graal consiste en un lien privilégié avec la puissance supérieure. Le vécu symbolique initiatique permet au chevalier d’éprouver le mystère, dans l’intimité silencieuse la plus profonde de son être, en résonnance avec l’immanence du Principe qui l’habite. Le Graal que Perceval percevra au terme de sa quête est un ésotérisme métaphysique qui concerne Dieu, l’âme, le monde et la véritable liberté de l’homme. Le chevalier doit posséder la Sagesse de l’esprit, la Beauté de l’âme et la Force du corps, ce que nous apprenons dès le 1er degré. Il doit développer trois concepts de l’homme : la connaissance, l’amour et l’action. Connaissance de soi et de l’environnement, l’amour de l’autre, porte d’entrée à l’éclosion de l’individualité, enfin la mise en œuvre de la vie harmonieuse, en résonnance avec l’être réel au sein d’une humanité transcendée par l’amour, non pas d’une dame comme nous le laisse accroire Chrestien par ses mots couverts, mais en fraternité ;  un monde de l’esprit : un monde apaisé. Une fraternité sacrée symbolisée par l’édification du Royaume d’Arthur et de sa table ronde dont l’ambition est d’être les modèles humains de l’exercice divin parmi les hommes, édificateurs de la société idéale. N’est-ce pas là l’idéal des Maçons.

Un amour sincère et véritable qui relie les hommes au Beau, au Bien, à la Vérité et à la Justice. Il est le vecteur de l’esprit. Il est le Graal. C’est l’Espérance d’atteindre le Graal qui donne un sens à la quête chevaleresque. C’est ce qui nous lie à Chrétien de Troyes dans sa transmission multiséculaire au monde mythique qui nous dépasse tous

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