Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
juil
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Départ d’une ville. Levage d’acquit.

Ecrit par Dominique

Départ d’une ville. Levage d’acquit.

Le moment où le compagnon doit quitter la ville est arrive. Il lui faut, ou du moins il lui fallait, cet usage s’étant perdu, remplir la formalité du levage d’acquit. Perdiguier raconte que s’étant brouillé avec le patron chez lequel il travaillait à Béziers, il alla lui réclamer le règlement de son compte, puis prévint la société de son intention de lever l’acquit. «Le rouleur, écrit-il, me ramène devant le patron. Nous nous plaçons triangulairement chapeau bas, comme pour l’embauchage. Il lui demande si j’ai fait mon devoir, si mes comptes sont réglés, si je suis libre à son égard. Le patron répond affirmativement. Mêmes questions me sont adressées. Je fais mêmes réponses. L’acquit est levé1»

Le compagnon qui s’en va doit aussi se mettre en règle envers la société. Le règlement adopté en 1858 par les aspirants menuisiers du Devoir renfermait à ce sujet les clauses suivantes : «Chaque aspirant qui se disposera à partir devra en avertir les premiers en ville, pour qu’ils lui délivrent en présence d’un membre du comité sa carte de départ qui portera ses noms, prénoms, lieu de naissance, nom de province et département et la date du jour où il partira. Les premiers aspirants, après s’être informés auprès du Père et de la Mère s’il ne leur doit rien, devront y apposer le cachet de la société : faute de quoi il ne pourra être reçu dans la première ville où il se présentera. Le Père ne pourra réclamer que 3 francs pour chaque aspirant qui partirait sans payer2

Le partant a levé son acquit envers son patron et la société. Il fait ses visites d’adieux et annonce à tous ses camarades qu’il quittera la ville tel jour, à telle heure. Ce départ était jadis, il est encore de nos jours, mais très exceptionnellement, l’occasion d’une cérémonie qui n’a pas peu contribué à attirer sur le compagnonnage l’attention publique et qui revêt un caractère particulièrement symbolique et solennel : nous voulons parler de la conduite3.

«Quand un compagnon arrive de la ville, dit Perdiguier4, on lui fait la conduite en règle, c’est-à-dire que tous les membres de la société l’accompagnent avec un certain ordre. Le partant et le rouleur, portant sur son épaule la canne et le paquet de celui qui s’en va, marchent en tête. Tous les autres compagnons armés de cannes, parés de couleurs, chargés de verres et de bouteilles de vin, suivent sur deux rangs et forment une longue colonne. La conduite s’en va en chantant loin de la ville. Là on s’arrête, on fait une cérémonie qui n’est pas la même pour toutes les sociétés. On hurle ou on ne hurle pas ; mais dans tous les cas, on boit, puis l’on s’embrasse et l’on se quitte. Le partant s’éloigne et la conduite revient en ville.»

1 Mémoires d’un compagnon, t. I, p. 185.

2 Chovin de Die, Le Conseiller des compagnons, p. 165.

3 Notre manuscrit secret indique dans quels cas ona droit à une conduite en règle ou battant aux champs. «Un compagnon reçu, y est-il dit, à droit à quatre couleurs qui sont la blanche, la bleue, la rouge, la jaune. Quand il arrive dans une cayenne, on lui donne une faveur, ruban plus étroit que les couleurs. Voilà pourquoi celui qui a beaucoup voyagé porte un assez grand nombre de rubans et quand il part, on lui appose un cachet sur son affaire. Celui qui, à la fin de son Tour de France, en possède six à droit à une conduite général, mais il doit savoir par cœur ce qu’on appelle grand battant aux champs d’après les tanneurs (les paroles et rites de la conduite des tanneurs), et savoir danser comme les tondeurs.» Chez les boulangers, pour avoir droit à une conduite en règle, il faut avoir travailler six mois dans une même Cayenne, avoir été six mois premier en ville et avoir fait le pèlerinage de la Sainte-Baume. Faute de remplir l’une de ces conditions, on n’a droit qu’à la conduite ordinaire.

4 Livre du Compagnonnage, t. I, p. 64.

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