Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
juil
25

Le Compagnonnage à Troyes.

Ecrit par Dominique

Le Compagnonnage à Troyes.

En 1524, le grand incendie ravagea le quartier des foires ( le corps du bouchon de champagne) ; pendant 3 jours, les entrepôts, les hôtels particuliers et les églises se consument et il ne reste plus que des pans de murs calcinés ; par précaution, l’échevinage prononce un arrêté qui exige la démolition des ruines, et demande aux propriétaires de reconstruire dans les meilleurs délais ; on rebâti donc les hôtels particuliers, les entrepôts, les demeures et échoppes des marchands, en même temps que les églises que l’on profite d’agrandir, jusqu’en 1560, date à laquelle séviront les guerres de religion ; un chantier immense était donc ouvert à Troyes et les compagnons étaient présents dans tous les métiers de la construction : les charpentiers, capables d’édifier rapidement un bâtiment, couvreurs-torcheurs-éteuliers (poseurs de chaume), l’important métier des maçons-tailleurs de pierre-imagiers, les peintres, les verriers. Ce n’est que le 26 février 1692 que les Vitriers et Peintres en verre obtiendront pour la première fois des statuts à Paris et une requête du 12 février 1693 est déposée auprès du prévôt de Troyes par les Maîtres Vitriers Troyens pour tenter d’en obtenir. Dans leur requête, les Troyens proposent que l’apprentissage durent 3 ans et que le temps minimum pour qu’un Compagnon puisse prétendre à la maîtrise ne soit pas inférieur à 4 ans ; ils évoquent aussi la possibilité « d’aller par le pays pendant ledit temps pour y acquérir plus d’expérience et de capacité audit art et métier… ».

Prés de 300 peintres travaillent à Troyes ; nombre d’entre eux ne sont cités que peu de fois dans les comptes de la ville, des fabriques ou dans les minutes notariales ; on peut retrouver plusieurs de ces noms dans d’autres villes ; François Valisset et Jacques Macadré, issu d’une longue lignée de vitriers et peintres verriers troyens, s’établissent à Aix en Provence entre 1573 et 1595, sans doute à la suite des désordres causés par la Réforme, et qui pris une importance particulière sous la conduite des frères Pithoux à Troyes ; la pleine activité de leur atelier s’étalera entre 1600 et 1620 ; le jeune troyen, Pierre Thévenin y fera un « passage » et un autre troyen Jean Chalette ( 1581-1644) y travaillera en 1611, au retour d’un séjour en Italie ; il poursuivra son périple vers Toulouse… Un siècle auparavant, les troyens Georges Trubert (1469-1492), Etienne Bolet ( à Aix dès 1494), ou Jean de Troyes (installé à Marseille) avaient pris le même parti, mais pour d’autres raisons, liées toujours aux pérégrinations des confréries ouvrières, et aux activités commerciales florissantes de la région. Enfin, sur le chantier du château de Fontainebleau, 21 peintres originaires de Troyes sont cités dans les comptes des bâtiments du roi entre 1535 et 1550.

Pour ce qui concerne les Compagnons Imprimeurs, même si les métiers traditionnels du compagnonnage ne les ont jamais vraiment admis, nous savons que le Tour de France existait déjà pour ce jeune métier au 16e siècle ; la grande grève de 1539-1541, des imprimeurs de Lyon puis de Paris est déclenchée et menée par les Compagnons ; en 1584, Jean Luquet, fils d’un libraire de Nimes, fait son testament avant de partir faire son « Tour de France » sur lequel en liminaire il précise : « voulant s’acheminer pour faire un tour de la France, pour suyvre son estat de libraire et voyr le pays ». Les peintres, libraires, enlumineurs, sculpteurs, et brodeurs défilent ensemble, vêtus d’une livrée de taffetas violet et jaune dans le cortège des métiers lors de l’entrée, à Troyes, de la reine Eléonore d’Autriche en 1534. Ils nomment ensemble les députés pour les représenter aux élections municipales et corporatives, à la St Barnabé. Un peintre et un imprimeur les représentent aux états-généraux de Meaux en 1560 ; mais dès 1561, le corps des peintres, verriers et sculpteurs, vote séparément des imprimeurs et des libraires ; mieux encore, à partir de 1599, les peintres et enlumineurs sont séparés des vitriers et sculpteurs. L’organisation compagnonnique suit donc les mêmes arcanes…

En 1631, un compagnon teinturier, Georges Montot, signe un contrat d’un an avec Nicolas Morize, maître teinturier ; en 1632, Simon Lagarde, compagnon tisserand de toile signe un contrat d’un an renouvelable trois fois auprès du maître tisserand, Pierre Bazet, qui devra lui enseigner « sans rien lui cacher », le fonctionnement du métier à tisser. En 1633, on retrouve dans les actes notariés, l’établissement d’un contrat de travail d’un an concédé à Jehan Françoys, tisserand de toile ; tous les termes concernant la paye et le logement sont définis. En 1634, Charles Daugert, compagnon drapier, natif de Clermont en Lorraine, âgé de 18 ans se voit établir un contrat de 2 ans par Urbain Boulageon. Le compagnon Daugert s’engage à ne pas travailler pour d’autres maîtres sous peine de « tous despens dommages et interest – Moyennant ce sera tenu ledict Boulageon de bien monstrer et enseigner audict Daugert ce qui deppend du tissage de draps et serge sans que ledict Boulageon soit tenu de luy fournir aucune nourriture, de linge pendant la première année des deux ans sinon que de luy payer pendant ledict an (… ) pour ledict cardage et pour le tissage ne luy sera payé aucune chose sinon qu’il sera logé et couché ».

En 1637, Jehan Henry, tonnelier en provenance de Resson se fait embaucher au lendemain de la fête Dieu jusqu’à la Toussaint ; il devra travailler à l’heure accoutumée, soit de « cinq heures du matin pour s’en retourner par chacune journée à huict heures du soir ». En 1638, Nicolas Gaillard, maître cordonnier, signe un contrat d’un an avec Jehan Thomas, noté comme compagnon et provenant de Langres. En 1684, une convention est signée entre Jean Billard, compagnon pelletier et Louis Arson, marchand pelletier, pour une durée qui se déroulera de Pacques à la St Barthélémy ; il y est toujours précisé que le compagnon n’aura pas le droit de travailler pour d’autres maîtres à moins que le travail manque ; dans ce cas le compagnon pourra louer ses services mais à la première « semonce » il devra revenir travailler chez le contractant ; le compagnon est payé à la peau travaillée : « dix livres (…) pour les grosses peaux. Et la somme de trois livres par douzaine des autres peaux comme foyne, pitoys, lapins de toutes sortes de couleurs, chats communs et sauvages et cinq livres pour les peaux de regnards (…). Et pour les peaux d’agneaux à raison de cinquante solz le cent toute accomodée preste à couper, que ledict Arson sera tenu de payer au fur et à mesure de l’ouvrage ». Une présence importante de Tanneurs est évoqué dès le 11e siècle à Troyes sur l’ancien tracé de la « Vienne » ( rue du Moulinet- rue Louis Ulbach, à 300ml de l’Hôtel Mauroy). Un moulin hydraulique équipé de roues à Tan est attesté en 1463, dans le quartier de Chaillouet. Les compagnons Tanneurs sont souvent cités à partir du 18e siècle à Troyes mais sont sans doute présent depuis fort longtemps.

Les statuts des Maîtres Menuisiers de la ville et des Faubourg de Troyes du 13 Novembre 1646, évoque leurs rapports avec les Compagnons étrangers ; les Maîtres Serruriers, dans leurs statuts du 15 mai 1671, réglementent l’accession à la maîtrise des Compagnons étrangers ; les même propos seront tenus dans les statuts des Orfèvres de 1737.

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