Chercher
Catégories
- Actualités
- Forum
- Histoire
- L'Homme
- La pédagogie de l’éthique
- Le Labyrinthe
- Les Compagnons légendes et histoire
- Non classé
- POESIE
Rêve éveillé dirigé
Par Robert Desoille.
Le rêve éveillé dirigé, état intermédiaire et nuancé entre l’état de veille et l’état du sommeil, entre le « physiologique » et le « psychique » est, par essence, le reflet de ce réservoir inépuisable où le sujet a accumulé depuis sa naissance ses angoisses, ses craintes, ses désirs, ses espérances, lesquels demeurent, en tout état de cause et face au monde extérieur, les facteurs déterminants de son comportement.
Nous n’avons pas intérêt, en général à chercher à modifier les premiers (réflexes innés) dont le jeu normal assure notre sécurité. Par contre, lorsque les seconds (réflexes conditionnels), auxquels l’école de Pavlov donne parfois le nom de « réflexes conditionnels de situation », sont bien établis et ont acquis ainsi un certain caractère de permanence, est-il possible, par la parole seule, de les faire disparaître, s’ils sont mal adaptés, pour les remplacer par des réflexes plus profitables ?
Si une réponse n’est pas adaptée à une situation considérée, est-il possible dans l’avenir, de la faire varier en face de conditions exactement comparables à celles devant lesquelles, dans le passé, le sujet commettait des erreurs ? Et ceci par une simple rééducation ?
Nous verrons plus loin le sens concret qu’il faut donner au mot « rééducation ».
Lorsque nous voyons un sujet répondre à une situation donnée par un comportement inadapté, l’expérience montre que, en fait, cette situation joue pour lui le rôle d’un signal. Ce signal déclenche une réponse qui a été provoquée autrefois, à l’origine, par un stimulus particulier auquel d’autres stimuli, analogues ou semblables à ceux de la situation actuellement envisagée, se sont associés.
Il est évident que, pour éteindre un réflexe, il est préférable de connaître la nature du conditionnement et, en particulier, le rôle joué par le passé par les circonstances et les éducateurs. Ce n’est cependant pas une nécessité absolue, comme maintes expériences le prouvent, mais cette connaissance étant très utile, il faut se demander s’il est possible de remonter de l’effet observé à la cause initiale. C’est en faisant appel au souvenir et à la réflexion que cette recherche peut être faite. Elle est longue et délicate et il est rare qu’un sujet puisse y arriver seul, sans l’aide d’un psychologue, en raison même du fait qu’il n’y a souvent aucun lien logique apparent entre la cause initiale (le bruit par exemple) et la situation-signal (la vue d’un objet de couleur blanche) qui détermine la réponse observée.
La cause initiale et le conditionnement étant connus, est-il possible de détruire le réflexe conditionnel pour lui substituer un comportement adapté à la situation ?
La réponse est affirmative. Le réflexe conditionnel non renforcé par le bruit s’est éteint.
A côté de l’état d’excitation, le cortex est le siège d’un processus dynamique tout aussi important : celui de l’inhibition.
L’expérience montre que la liaison temporaire qu’est le réflexe conditionnel « se spécialise jusqu’à réaliser en même temps une complexité et une précision remarquables, aussi bien de l’excitation conditionnelle que de la réponse de l’organisme qui peut être spécifiquement motrice ou verbale ».
Les automatismes (les réflexes conditionnels) dont il est question ci-dessus sont des acquisitions précieuses, en général, car ils permettent un moindre effort. Mais lorsqu’ils s’établissent d’une manière inadaptée à la réalité, ils entrainent une dépense nerveuse exagérée et le trouble de l’équilibre des processus nerveux qui constituent ces comportements morbides caractérisant la névrose, compte tenu des éléments héréditaires qui peuvent en favoriser l’apparition.
Il est souvent légitime de considérer la névrose comme un dérangement acquis des processus de l’activité nerveuse supérieure.
Pour corriger la névrose, il faudra donc transformer le comportement morbide afin de permettre au malade d’acquérir, par un entrainement approprié, des automatismes corrects. La psychothérapie est une rééducation par un entrainement adéquat auquel le sujet se soumet lucidement.
Il existe certainement chez l’homme des qualités morales dans ses rapports avec les autres hommes, mais au point de vue physiologique ce ne sont que des liaisons temporaires des réflexes conditionnels. (Pavlov)
L’homme présente cette particularité de réagir à deux systèmes de signalisation distincts. Le premier de ces systèmes, commun à l’homme et à l’animal, relève de l’excitation sensorielle, l’autre, spécifique à l’homme, est constitué par le langage.
Ce second système de signalisation de la réalité, qualitativement nouveau, est propre à ‘homme seulement. Ces signaux des signaux sont, en quelque sorte, des images généralisées et abstraites de la réalité.
« Ils représentent une abstraction de la réalité et se prêtent à la généralisation, ce qui forme précisément notre mode de pensée supplémentaire, spécifiquement humaine, supérieure, qui crée d’abord l’empirisme, propre à tous les hommes et, enfin, la science instrument supérieur_ qui permet à l’homme de s’orienter dans le monde environnant et en lui-même. »
Les expériences de Ivanov Smolenski justifient ce que Pavlov écrivait déjà en 1927 : « Chez l’homme, le mot, quantitativement et qualitativement, est un excitant conditionnel incomparable, par son ampleur, à ceux des animaux ». Elles nous font comprendre, en outre, comment les processus de l’activité nerveuse supérieure peuvent être modifiés par une intervention purement verbale.
C’est ce deuxième système de signalisation qui explique « la riche possibilité d’éduquer les processus psychiques ».
Comme les mots du langage, les images visuelles ou autres, suggérées, peuvent servir de signaux. La liaison entre les mots et les images est étroite, les deux sont inséparables ; en effet, l’expérience prouve que si un sujet pense un mot, cette image verbale est souvent accompagnée d’autres images, visuelles presque toujours et, parfois aussi, olfactives, auditives, motrices.
Si nous voulons remonter d’un comportement névrotique observé aux circonstances de sa formation, il nous faudra étudier toute l’histoire vécue du sujet, compte tenu de la nature dialectique de ses rapports avec son milieu.
Le seul procédé pour des liaisons correctes est :
1) D’obtenir l’extinction du réflexe mal adapté.
2) D’établir un nouveau réflexe qui remplacera l’ancien.
Ceci peut être obtenu soit en plaçant le sujet dans une situation réelle, soit en tenant compte de la possibilité, spécifiquement humaine, qu’un sujet a de se représenter un acte avant de l’accomplir et de s’entrainer en quelque sorte à l’action désirée par la simple imagination en créant ainsi un nouveau stéréotype dynamique. La répétition de cet exercice peut suffire à déconditionner les réflexes morbides, puisque rien ne les renforce dans la réalité, et à permettre que s’établissent d’autres processus nerveux, un schéma dynamique nouveau correspondant à un comportement normal. C’est ce qui se passe lorsqu’une psychothérapie, encore empirique, obtient un résultat heureux, grâce à l’autosuggestion dirigée telle que S .Freud lui-même la préconise.
L’autosuggestion dirigée est la représentation répétée d’un comportement correct que se fait le sujet lui-même, en créant ainsi, sans le savoir, un schéma dynamique qui remplace l’ancien.
Au développement physique, intéressant tout l’organisme, correspondent deux aspects du développement du système nerveux : une maturation intellectuelle se traduisant par l’acquisition de connaissances de plus en plus nombreuses et de mieux en mieux coordonnées et l’apparition d’un jugement de plus en plus sûr, d’une part, et, d’autre part, d’une maturation de l’affectivité caractérisée par une modification des sentiments éprouvés en réaction aux excitation du milieu interne aussi bien que du milieu extérieur, en même temps que s’affirme une maîtrise plus en plus parfaite de ces réactions.
Un sujet très bien développé corporellement et intellectuellement peut rester un arriéré affectif. Le déséquilibre neuro-endocrinien correspondant à ce que l’on pourrait appeler l’âge affectif d’un même individu.
Dans ce qui suit nous considèrerons principalement les névroses sous ce deuxième aspect, étant toujours sous-entendu qu’il s’agit d’une véritable arriération affective qui a empêché les stéréotypes normaux de l’adulte de se substituer aux stéréotypes de l’enfance plus ou moins bien adaptés à la réalité présente.
«Une émotion est une réaction compliquée de l’organisme reposant sur des liaisons complexes inconditionnelles et conditionnelles d’origine extéro et intéroceptive »(C.Bykov)
Par la rêverie en particulier : « L’abaissement du tonus cortical libère cette activité de la zone sous-corticale que nous nommons émotions et sentiments qui, à l’état de veille normal, sont plus ou moins freinés par le cortex. »
Quelle que soit la technique employée, il est donc nécessaire d’isoler le sujet des excitations extérieures aussi parfaitement que possible, de le placer en état de relaxation musculaire, dans un état de rêverie excluant, momentanément, tout examen critique de la situation. Le patient étant ainsi maintenu entre la veille et le sommeil, beaucoup plus prés de la veille que du sommeil d’ailleurs,
Les physiologistes admettent que le cortex, à l’état de veille, exerce à tout moment une action inhibitrice plus ou moins intense sur l’activité sous-corticale. C’est ce qui permet la répression des sentiments ou des émotions considérés comme nuisibles, ou socialement non adaptés, par le sujet lui-même. En principe, pour étudier ces sentiments, cette action inhibitrice devra être réduite au minimum.
Si donc nous adoptons, suivant la proposition d’André Lamouche, la notion de « niveaux de conscience », le niveau zéro correspondant à des processus dits inconscients, il faut admettre parallèlement des degrés de cohérence, le maximum de cohérence correspondant au travail le plus efficace de l’état de veille et le maximum d’incohérence correspondant à la succession anarchique des images visuelles du rêve précédant immédiatement le sommeil profond sans rêve.
Il est impossible dans l’état actuel de nos connaissances, de préciser entre ces deux limites extrêmes quel doit être l’état optimum dans lequel il faut placer le sujet pour qu’il s’exprime avec le maximum de liberté et un niveau de cohérence suffisant.
On peut même le faire travailler les yeux ouverts, s’il a tendance à s’endormir, procédé que nous recommandons lorsqu’on fait faire du rêve éveillé à des enfants. Après quelques séances, d’ailleurs, le sujet apprend de lui-même à se placer dans l’état favorable à la rêverie. Cet état, répétons-le, est beaucoup plus près de la veille que du sommeil et il est caractérisé par deux conditions à remplir par le sujet qui doit :
1) faire abstraction de tout esprit critique.
2) garder le souvenir précis de tout ce qui s’est passé pendant la séance.
Demande est faite à chaque séance d’apporter la relation écrite du rêve éveillé fait à la séance précédente et les rêves nocturnes faits dans cet intervalle.
Pour faciliter la rêverie il est bon de soustraire le sujet à tout effort musculaire ainsi qu’à toute excitation lumineuse et sonore. Les images de cette rêverie constituent un « langage intime » comme l’a reconnu Politzer, un mode d’expression archaïque qui nécessite un effort moindre que le langage conventionnel. La description de ces images permet, comme celles du rêve nocturne, de pénétrer dans l’intimité affective du sujet.
L’idée du mouvement dans l’espace imaginaire qu’a créé le sujet paraît plus efficace. Le mouvement est le signe même de la vie et de la liberté. La direction du mouvement n’est pas indifférente. C’est suivant la verticale, soit en ascension, soit en descente, que l’idée de mouvement provoque les résultats à la fois les plus complets et les plus inattendus.
D’une façon générale, l’effort d’ascension, soutenu par le sujet au cours de sa rêverie, fait apparaître des images de plus en plus lumineuses, qu’accompagne un sentiment d’euphorie diversement nuancé. Au contraire, la descente provoque des images sombres avec des sentiments de tristesse, d’inquiétude, voire d’angoisse.
Normalement, l’apparition d’un sentiment tel que mélancolie ou allégresse, aussi bien que d’une forte émotion, comme la peur ou une grande joie, est la réaction de l’individu considéré dans sa totalité- c’est-à-dire de tout son organisme-au milieu où il se trouve dans l’instant considéré. Cependant, il est constant que, sans que les conditions du milieu extérieur se modifient, le sentiment varie et ceci sur la simple évocation d’un souvenir. Dans ce cas, force nous est de considérer le sentiment comme un réflexe conditionnel, provoqué comme l’un quelconque des modes d’action du deuxième système de signalisation que sont les excitations verbales.
L’effet, aussi généralement constaté de l’idée d’ascension ou de descente, doit être considéré comme la réponse à cette idée elle-même, servant de signal, et le sentiment, à son tour, comme un réflexe conditionnel. Mais quel est le réflexe inné auquel est obligatoirement lié, à l’origine, ce réflexe conditionnel ?
Des phénomènes naturels qui conditionnent la vie, le mouvement diurne du soleil est, de tous, le plus important. Avec l’ascension du soleil, apparaissent la chaleur qui assure le bien-être et l’activité des êtres vivants, la lumière qui embellit les choses et chasse, pour les êtres craintifs, les embûches et les mystères inquiétants des ténèbres. A l’inverse la descente du soleil, au-dessous de l’horizon, coïncide avec les fatigues de la journée et la dépression morale qui peut en découler, ainsi qu’avec la crainte des dangers nocturnes réels ou imaginaires. Ces impressions qui se renouvellent avec plus ou moins d’intensité, tous les jours et pour tous, a marqué de son empreinte le langage courant. Tout ce qui est beau, noble et généreux est plus ou moins associé aux idées de chaleur, de lumière et surtout d’élévation. Il est ainsi parlé d’une chaude affection, d’une idée lumineuse, de sentiments élevés, etc. A l’inverse ce qui est laid, mauvais, dangereux, est associé plus ou moins aux idées de ténèbres et de bas : une ténébreuse affaire, la bassesse des sentiments, etc. Ces habitudes de langage, liées aux conditions mêmes de la vie, expliquent suffisamment que les idées d’ascension et de descente puissent servir de signal déclenchant une réaction affective que l’on retrouve chez tous les sujets soumis à l’expérience du rêve éveillé dirigé.
On constate également que l’idée de mouvement de la gauche vers la droite ou, au contraire, de la droite vers la gauche entraine une modification du scénario du rêve analogue à celle qu’entraine l’idée de mouvement vertical, mais d’une façon beaucoup plus atténuée.
Généralement, pour les droitiers, le mouvement vers la gauche provoque un retour du sujet vers le passé, le mouvement vers la droite une anticipation de l’avenir.
Pour un droitier, le mouvement du bras droit s’écartant du corps vers la droite exprime généralement une tendance à l’action ou au don et doit donc être lié à des sentiments optimistes de conquête, de lutte et de générosité. Le retour vers soi du bras droit, a contrario, est lié à des sentiments de retrait sur soi-même, de crainte et de refus.
L’isolement et la répétition joue un rôle. Cette adaptation a, d’ailleurs, par elle-même, une valeur curative car elle exige du sujet un véritable effort d’attention ce qui fait que le rêve éveillé dirigé n’a rien en commun avec le laisser-aller anarchique de la rêverie spontanée et que les premières séances quelle qu’en soit la banalité apparente sont un début de rééducation de la volonté et de l’attention si souvent défaillantes chez le névrosé.
Pour la 1ère séance l’image du départ n’est pas prise au hasard : par exemple, nous proposons un objet qui puisse être pris comme l’attribut du sexe du sujet : une épée, par exemple pour un homme, un vase (réceptacle) pour une femme. En langage imagé c’est l’équivalent de la question : « Que pensez-vous de votre propre virilité ou féminité ? ».
La séance est pour le sujet un entraînement à concentrer son attention et à se libérer d’idées obsessionnelles qui n’apparaissent pas au cours de cet exercice. Un peu plus tard nous laisserons au sujet le choix spontané de sa première image nous bornant à lui proposer une descente ou une ascension.
J’inviterai, par exemple, mon sujet à imaginer qu’il descend au fond de la mer le plus bas possible. Il verra des épaves, des rochers, des poissons et ne manifestera que peu de crainte. Ou bien au contraire, un monstre se présentera : requin ou pieuvre géante. L’image de la pieuvre est très fréquente, un peu plus chez l’homme que chez la femme, semble-t-il. Que signifie-t-elle ? Elle exprime un sentiment, plus ou moins intense, de crainte éprouvée par le sujet dans le moment même. C’est à la fois la représentation du sentiment qui serait éprouvé si le sujet se trouvait réellement devant un tel monstre et la réminiscence d’une expérience vécue
Cependant imaginer un danger, et de ce seul fait, éprouver de la crainte n’est possible que par référence à un danger réellement vécu ; c’est donc l’évènement unique ou fréquemment répété ayant provoqué de la crainte qui nous intéresse seul ici. Or l’évènement en question ne se réduit pas à une situation nécessairement précise. Si nous essayons de comprendre quel genre de danger présente une pieuvre, nous retiendrons celui d’être paralysé par ses tentacules et sucé par ses ventouses. Nous serons amenés à penser que dans certaines situations et vis-à-vis de certaines personnes, le sujet a pu craindre de voir sa personnalité amoindrie ou sa liberté entravée par autrui.
Le premier objectif sera atteint en obligeant le sujet à lutter contre la pieuvre et à la capturer. Nous atteindrons notre second objectif (lorsque l’expérience réussit, ce qui est très fréquent) en priant le malade de remonter la pieuvre au grand jour et d’observer ses métamorphoses. Il arrive alors très fréquemment que la pieuvre prenne l’aspect d’une personne connue. Ce sera par exemple, la tête de la mère ou du père du sujet. Nous serons amenés à penser qu’une excessive tendresse de la part de la mère par exemple, a pu vraiment paralyser le fils et l’empêcher de manifester toute l’indépendance souhaitable pour lui. L’inhibition induite (externe) due à un manque d’affection ou à une excessive sévérité du père ou de la mère, ou de la personne qui a remplacé l’un ou l’autre comme éducateur peut également être représentée par la même scène. Dans les exemples qui précèdent, c’est un sentiment gênant vécu par le sujet qui en a parfaitement conscience, et bien que l’origine lui en soit connue, il n’a pas suffisamment réfléchi à ses conséquences et ne cherche pas à s’en libérer.
Après un nombre plus ou moins grand de séances apparaît une deuxième période. Le patient vit dans un monde magique dans lequel domine la toute-puissance de la pensée.
« Les névrosés se heurtent toujours à des obstacles, à la montée comme à la descente. Ils ont tendance à tomber. » (Dr Van Den Berg, de la clinique psychiatrique de l’Université d’Utrecht). Ces représentations d’obstacles, personnage ou animal fantastique, lac de mercure séparant le sujet du but à atteindre, maison dans laquelle le sujet veut pénétrer et qui s’éloigne au fur-et-à-mesure ne font qu’exprimer un sentiment habituel qui n’est pas la réaction à une situation particulière, mais bien la sommation de sentiments voisins éprouvés en face de situations réelles présentant entre elles certaines analogies.
En raison même de l’apparence hermétique du symbolisme de son rêve éveillé, le sujet n’en comprend pas tout de suite le sens intime.
Si des évènements précis ont provoqué un sentiment à un moment quelconque, ce sentiment a évolué, il s’est modifié sous l’effet d’autres évènements ayant provoqué des sentiments analogues au premier. C’est ce sentiment lié à l’attitude en question, qui est exprimé par le symbole fabuleux. On comprend dés lors que l’analyse de ce symbole ne doit pas être menée pour retrouver un évènement particulier, mais bien pour comprendre la nature du sentiment qu’il exprime et qui est, en quelque sorte, le résumé de tout un passé affectif.
Avec certains sujets prédisposés, ou si l’on poursuit l’expérience assez longtemps, les images de ceux-ci se simplifient jusqu’à n’être plus que des représentations de lumière. D’abord dorée, celle-ci devient d’un blanc mat et plus tard donne une impression brillante et transparente comme un cristal très éclairé. Impression profonde de paix et de sérénité.
Il existe des réactions exceptionnelles : au cours d’une ascension, une jeune femme voit un point noir qui l’inquiète, au bout de quelques séances et suite à ma demande de fixer son attention sur ce point, celui-ci devient une silhouette noire, qu’elle suit et la patiente arrive devant la tombe de son frère ainé, accompagnée d’une très forte angoisse. Celui-ci a tenté de la violer à l’âge de 18ans et elle en fut bouleversée. On peut expliquer ce fait, en reconstituant les liaisons temporaires comme suit : ascension= euphorie=relations amoureuses=premières relations incestueuses=angoisse qui vient submerger l’euphorie normale.
J’ai proposé d’appeler :
—images de la vie réelle celles qui sont comparables aux phantasmes des rêves nocturnes,
—images fabuleuses celles qui sont à rapprocher du folklore,
—images mystiques celles qui rappellent les visions de certains religieux.
Quelques mesures sur sujets très entraînés :
—une régularisation et un ralentissement du pouls ;
—un ralentissement de la respiration ;
—une baisse qui peut atteindre de quinze à vingt pour cent du métabolisme respiratoire avec un sujet très entraîné ;
Il faut un programme de rééducation : par exemple se lever à heure fixe.
Au cours de ces conversations il faut entrainer le malade à faire l’autocritique de son comportement et à prendre des résolutions en conséquence.
La possibilité de fixer l’intérêt du malade sur un objet nouveau est plus facile à estimer en fonction de l’âge : en principe, un être jeune se corrige plus facilement de sa névrose qu’un sujet âgé et c’est pourquoi il me parait que, dans l’avenir, on devra s’attacher surtout à prévenir la névrose dans les écoles plutôt que d’essayer de la guérir une fois déclarée.
La destruction des habitudes anciennes n’est accomplie que lorsque des habitudes nouvelles s’y sont substituées (interférence reproductive des expérimentalistes).
Le psychanalyste aide son patient à acquérir ces nouvelles habitudes en construisant les nouveaux stéréotypes correspondants.
S Freud citant Fenichel considère que dans la névrose de transfert, le patient « mésinterprète le présent en termes du passé »
S. Freud parle très succinctement, il est vrai mais très clairement de l’autosuggestion dirigée qui n’est pas autre chose que la création d’un nouveau stéréotype dynamique d’abord imaginaire, puis agi dans la réalité.
Pour l’orthodoxie freudienne rigide, toute manifestation affective du patient envers le psychanalyste est une « projection » sur ce dernier d’un sentiment ressenti naguère à l’égard d’une toute autre personne, le père par exemple.
Les réactions négatives du sujet, vécues naguère en face de son père, ne sont plus « projetées » sur le psychothérapeute, mais sur une image symbolique du père faisant partie du scénario du rêve et dont le contexte peut être analysé sans provoquer ce qui est considéré comme une résistance dans l’analyse du transfert en psychanalyse freudienne.
Dans la plus grande partie des cas (98%), la « situation de transfert » est vécue symboliquement dans le rêve éveillé. Elle est également résolue symboliquement en invitant le sujet à modifier son attitude dans la situation symbolique du rêve et en l’amenant progressivement à prendre, en face de cette situation, l’attitude bien adaptée d’un adulte maître de soi.
Si rejetant la notion équivoque d’un inconscient on admet avec André Lamouche la notion de niveaux de conscience, on doit, parallèlement, admettre des degrés différents d’incohérence.
Il faut aussi expliquer le passage d’un mode d’expression logique, celui du langage conventionnel, à un mode d’expression par l’image seule ou partiellement accompagnée de représentations verbales lorsque le sujet passe de la veille au sommeil.
Inhibition des centres corticaux et disparition momentanée des liaisons temporaires les plus labiles qui conditionnent la pensée logique et les modes d’expression conventionnels, le langage imagé apparait.
L’image, visuelle ou autre peut être évoquée volontairement et apparait, ainsi comme une reconstitution de la perception. On peut donc supposer que la production d’images visuelles, aussi bien que des autres formes d’images, relève d’une activité nerveuse différente de celle du langage alors même qu’il peut exister une certaine interdépendance entre ces deux formes d’activité.
L’image visuelle comme appartenant au premier système de signalisation.
Ce n’est plus l’action d’une censure qui donne au rêve son caractère énigmatique mais bien l’inverse, l’absence d’une censure, si l’on entend par ce terme le frein d’un système moral qui viendrait s’opposer à une immoralité du dormeur.
Dans le rêve nocturne comme dans le rêve éveillé, le sujet prend conscience du sentiment qu’il vit en « se parlant », pourrai-t-on dire, à lui-même, dans un langage archaïque, celui des images visuelles, nécessairement symboliques.
En parlant de système moral, nous croyons qu’il faut distinguer, entre, d’une part, une véritable éthique comprenant un ensemble de valeurs auxquelles le sujet a réfléchi et auxquelles il désire se conformer autant que possible par un choix délibéré et, d’autre part, cet ensemble de règles de vie auquel Sigmund Freud a donné le nom de « surmoi ».
Ce surmoi est un ensemble de règles de comportement imposées à l’enfant puis à l’adolescent par le milieu familial et culturel. Le comportement qui en découle est devenu automatique et sa motivation, en dehors de l’exemple de ses parents, reste inconsciente. La motivation consciente se résume en disant : « On fait ceci » ou « on ne fait pas cela ».On ne peut considérer le surmoi comme une véritable éthique, il représente beaucoup plus un style de vie conventionnellement adapté à un certain milieu dans certaines circonstances et il a, de ce fait, une certaine valeur sociale. Mais il lui manque la réflexion et le choix.
Le « surmoi » de S.Freud, par contre, comme tous les automatismes acquis dans les premières années, est un ensemble très stable. Mais nous ne voyons aucune raison de le distinguer des autres automatismes dont les motivations restent aussi inconscientes.
Prédominance du premier système de signalisation sur le second.
Pour ce qui concerne le deuxième système de signalisation, nous pouvons rendre compte des mécanismes du rêve sans avoir recours à des processus inconscients de refoulement imposé par la censure exercée par une éthique particulière au sujet.
Le sujet, à l’état de veille a recours spontanément au langage imagé : c’est le cas de l’expression argotique non conventionnelle. Par exemple, quelqu’un pour encourager un ami au lieu de : »Ne te fais pas de souci » dira « Ne te retourne pas le couvercle ».
Dans le rêve, rappelons-le, le sujet use d’un « langage intime ».
Le rêve étant donc l’expression d’un sentiment dans un langage intime particulier au sujet, ce dernier seul peut nous en donner la clé, mais, au début tout au moins, il ne peut le faire sans un certain entraînement et l’aide que doit lui apporter le psychothérapeute. Il faut donc que ce dernier acquière l’expérience du sens intime que peut avoir une image.
L’art en général, la poésie en particulier et la lecture des mystiques nous apportent des éléments précieux pour comprendre les images que les sujets névrosés ou non nous présentent dans leurs rêves éveillés dirigés.
Le serpent est un signe de force, de puissance qui peut être maléfique ou bénéfique, agressive ou non, apanage de l’homme il est vrai la plupart du temps. Le serpent peut donc représenter l’agressivité sexuelle masculine, mas aussi l’attaque perfide dans un tout autre domaine que l’acte sexuel et il peut être aussi symbole de science (les serpents du caducée de Mercure) et même de haute sagesse (le serpent qui se mord la queue).
C’est donc dans un cadre extrêmement général qu’il convient d’interpréter à priori un symbole. C’est naturellement le patient, aidé par le psychothérapeute, qui, seul, peut nous donner la signification qui lui est particulière.
Une notion importante a été introduite par C.G.Jung pour la compréhension de certaines images, c’est celle de l’archétype. L’archétype est une image qui dépend du milieu auquel appartient le sujet, il en est l’héritage culturel. Parmi les archétypes cités par C.G.Jung figure Dieu. D’une façon très générale cette image représente l’autorité, la toute-puissance. La forme même de l’image sera celle que l’on trouve habituellement dans l’iconographie propre au milieu culturel considéré. Pour un chrétien ce sera la figure de Dieu le Père des images religieuses occidentales. Pour l’israélite ce sera Moïse et Bouddha pour l’oriental. Pour un sujet élevé en milieu athée ce sera la figure de quelque héros national ou une figure allégorique.
Ces images ont un caractère statique et ne révèlent pas grand-chose des sentiments profonds du patient en raison de leur caractère conventionnel.
La suggestion de descendre puis de remonter nous permet de faire apparaître ces chaines archétypiques et de comprendre mieux les réactions du patient devant un homme et une femme, réactions tant négatives ou mal adaptées que positives ou bien adaptées.
Certaines de ces images archétypiques se présentent spontanément avec une telle fréquence qu’on doit les considérer comme faisant partie du patrimoine culturel de tous les individus appartenant au même milieu, à la même époque.
Parmi les images archétypiques les plus intéressantes, rappelons celles de la sorcière, du sorcier, du dragon de la fable. Les deux premières expriment les réactions négatives que le sujet a pu avoir, s’il s’agit de la sorcière, vis-à-vis de certaines femmes venant contrarier ses impulsions instinctives. En faisant remonter le sujet avec cette image de sorcière, nous verrons celle-ci changer d’aspect, prendre l’apparence d’une femme de la vie réelle pour revêtir finalement la figure d’une fée, de la Vierge ou d’un personnage allégorique comme la Liberté éclairant le monde.
Nous devrons, au cours de l’étude du rêve en question, insister pour que le sujet comprenne la relation qui existe entre cette difficulté et celles de la vie réelle.
Ceci se passe au niveau du cauchemar, donc de l’instinct le plus primitif, et la sublimation de cette agressivité ne peut pas s’opérer à ce niveau de conscience (ou niveau de rêve) mais, plus tard, à un niveau beaucoup plus élevé. Il est nécessaire que cette agressivité soit libérée pour que – au lieu d’être réprimée par la peur- elle soit dominée par la raison et remplacée par une réaction calme et lucide de défense de la personnalité.
S .Freud reconnaissant que l’analyse des rêves et du transfert ne suffisait pas à assurer la guérison de ses malades, préconisait une autosuggestion dirigée comme nous l’avons déjà rappelé.
Il nous parait, au contraire, nécessaire que le sujet comprenne le mieux possible l’influence des évènements importants de son passé sur le présent et que la construction de nouveaux stéréotypes dynamiques soit faite au niveau maximum de conscience. Si l’appel à la raison seule est peu efficace pour guérir une névrose, la pleine conscience, en accord avec la raison, nous paraît indispensable au maintien d’une guérison. C’est pourquoi nous préférons l’autosuggestion dirigée.
I.P.Pavlov répond à la question : Qu’est-ce que la suggestion et l’auto-suggestion ? « C’est une excitation concentrée d’un point déterminé des grands hémisphères, sous forme d’une excitation définie, d’une sensation ou trace de celle-ci, de représentation, tantôt provoquée par l’émotion, c’est-à-dire par l’excitation émanant de la sous-corticalité, tantôt brusquement effectuée de l’extérieur, tantôt provoquée à l’aide de liaisons intérieures d’associations, excitation qui acquiert une importance prédominante, anormale et insurmontable. »
L’autosuggestion ne sera donc pas possible dés le début du traitement. Celui-ci comporte trois phases distinctes :
La première est l’exploration de toutes les réactions émotives habituelles du sujet.
La deuxième phase est une exploration des tendances les plus oblatives, les plus socialisées dont le sujet est capable, mais qu’il n’a pas encore développées et qu’il découvre parfois avec stupéfaction. Il doit prendre l’habitude dés qu’il éprouve un sentiment négatif tel que timidité, agressivité, etc., de se remémorer les images les plus apaisantes ou les plus dynamiques de ses rêves et d’en revivre aussi intensément que possible les sentiments liés à ces représentations. Ces séances consistent à faire faire au patient une ascension de plus en plus rapide pour l’amener à ces images de lumière, sans scénario, en lui demandant simplement de vivre le plus intensément possible les sentiments de sérénité, de confiance et d’amour des autres que ces images expriment. Lorsque ces images ont été atteintes et les sentiments correspondants vécus avec le maximum d’intensité possible, on prie le patient d’ouvrir brusquement les yeux, de regarder attentivement les objets environnants puis, après quelques secondes, de refermer les yeux et de retrouver l’image de lumière de l’instant précédent en essayant de retrouver, avec la même intensité, le sentiment correspondant. Il suffit de fermer les yeux, d’évoquer une image de lumière en s’aidant au besoin de quelques respirations profondes, pour dominer son émotion et pouvoir ainsi faire face à la situation avec le maximum de calme et de lucidité.
Dans une troisième phase il sera bon, avant de terminer tout à fait le traitement, de revenir au réel à partir de difficultés effectivement éprouvées.
On retrouve le pouvoir extraordinaire des fétiches des peuples primitifs ou des médailles, scapulaires, cierges brûlés, des milieux chrétiens. Il s’agit simplement « d’une liaison temporaire, dans l’écorce cérébrale, entre le foyer d’excitation dans le second système de signalisation (parole), l’excitant donné du premier système de signalisation et la réalisation de l’effet suggéré, compte tenu qu’avec chacun de ces trois éléments la personne soumise à la suggestion a des liaisons corticales directes datant de son expérience passée »
De même sont surmontés tous les problèmes du transfert, celui-ci s’effectuant également sur le mode symbolique est transposé dans le scénario du rêve, épargnant ainsi au patient et au psychothérapeute les angoissants problèmes inhérents à ce transfert.
Robert Desoille