Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
avr
20

Textes des vitrines de la Maison de l’Outil et de la Pensée Ouvrière à Troyes (1)

Ecrit par Dominique

               

VITRINE A – Salle Richard Desvallières – Compagnon forgeron

 

FABRICATION DE LA LIME ET DE LA RÂPE

La lime et la râpe sont fabriquées par le tailleur de limes. Le Tailleur de limes se particularise par sa connaissance de l’acier. Il pratique précisément la bonne trempe et le revenu, technique de durcissement des métaux consistant à augmenter la température de l’acier et à le refroidir une première fois par une première trempe dans l’eau. Dès lors, la couleur change et évolue ; il apparaît un large spectre de couleur, du rouge cerise au jaune paille. La couleur correspond au degré du métal. Quand la couleur est obtenue, le forgeur de limes immerge brutalement la lime une deuxième fois dans l’eau glacée pour stopper le revenu. On obtient ainsi la dureté de l’acier nécessaire à .la fabrication d’une lime ou d’une râpe.

Pour cranter l’acier, le tailleur de lime utilise un grain d’orge. Son marteau à manche courbe est remarquable. Il utilise 3 catégories de marteau en fonction du type de lime à fabriquer : le petit marteau de 1,4 kg  pour une fréquence de percussion de 80 à 120 coups par minute, puis le marteau moyen de 2 kg pour une fréquence de coups de 60 à la minute et le gros marteau de 3,8 kg qui permet de frapper 50 coups par minute. Aussi étonnant que cela paraisse, la taille de la lime réalisée à la main était aussi régulière et aussi nette que celle des meilleures machines.


VITRINE B – Salle Richard Desvallières – Compagnon forgeron

 

L’OUTIL « NÉ DE L’OUTIL »

 

Cette vitrine met en scène une forme «d’économie durable ». Jusqu’au 18e siècle, le minerai de fer était transformé et fondu dans de petits fours enterrés, le bas fourneau ; on produisait du fer doux qu’il fallait durcir ; on parle dans ce cas d’aciérage. L’aciérage se réalise par adjonction de carbone. Le fer est chauffé à blanc dans un foyer de charbon de bois produit par les charbonniers des forêts. Le carbone s’imprègne alors au métal.

Les artisans traditionnels prêtaient attention à la gestion des produits de la nature qu’ils sacralisaient. Pour les anciens, le métal est le fruit de la gestation de la terre-mère. Aux regards de ses contemporains, le métallurgiste détient une connaissance quasi divine. Les artisans du fer continuaient le Grand-Œuvre dans un monde enchanté et superstitieux. Pourtant, ce monde qui peut paraître archaïque, procurait un haut degré de conscience de la nature et de sa responsabilité face aux générations futures.    

Cette volonté d’économiser le métal onéreux, amenait les artisans à transformer leurs outils usagés. En offrant une matière première de qualité, les limes ont fourni la plus forte proportion de réemploi d’acier. Les outils nés d’autres outils sont souvent les œuvres d’un paysan, d’un mécanicien ou d’un tailleur de pierre. Ils démontrent la grande capacité d’adaptation et d’innovation des hommes de métier manuel.


VITRINES  C et D – Salle Richard Desvallières – Compagnon forgeron

 

LES MARTEAUX

Le marteau est premier outil de l’humanité. Le silex, la pierre dure, le bronze ou le fer ont été utilisé pour la percussion. Dès l’âge du fer, les techniques de forgeage et d’aciérage ont permis d’atteindre un haut niveau de performance du marteau. Les mises d’acier et l’aciérage par cémentation, des parties frappantes, forgées sur une âme de fer plus doux, permettent une percussion sans rebond ; l’âme de fer doux absorbe les vibrations ; l’inertie accroît l’impact du marteau. L’enclume forgée est aussi constituée d’une âme douce dans une carapace dure. Du gros marteau du forgeron au petit marteau du cantonnier au long manche souple en noisetier, la conception est identique.

Peu de coups de marteau, mais là où il faut ! disait-on dans les ateliers. Une manière d’exprimer le rapport entre l’intention et l’action, la volonté et l’économie des gestes. Une volonté annoncée de transformer sa violence intérieure en énergie créatrice selon la belle expression de Gaston Bachelard. Un geste  parfaitement contrôlé par la force de l’esprit de l’artisan qui maîtrise son métier. Et plus que son métier, l’Homme maîtrise sa vie. Il faut nous situer dans la charge affective de l’outil que nous observons, dans son dynamisme. Alors on sent passer en soi un peu de la chaleureuse pensée ouvrière qui suscita les cathédrales.


VITRINE E – Salle Richard Desvallières – Compagnon forgeron

 

LES ÉTAUX  Forgeron -Taillandier

Les étaux à pied du 18e siècle sont beaux, non seulement parce qu’ils sont finement ciselés mais parce qu’ils sont bons. Les forgerons ont recherché un rapport entre la forme et la force, sans rupture, ni faiblesse.

Serrant, sans meurtrir, l’objet qu’ils fabriquent dans les griffes de l’étau, le métallier ou le mécanicien peut scier, limer, buriner ou percer. Les fortes sections des carrés d’acier nécessitent une chauffe longue, rigoureuse et difficile. Une augmentation trop rapide de la température du métal peut produit un éclatement irréparable de l’épiderme. La chauffer doit être lente et progressive, jusqu’au cœur de la matière. Le forgeron maîtrise le degré de température en observant la couleur du métal qui évolue. Celle-ci varie : blanc, rouge gorge, jaune paille… tout un spectre de couleurs que les Alchimistes désignaient par une métaphore : « la queue du paon ».

Pour mieux observer la couleur, le métallier aimait travailler dans l’ombre, le matin à l’aurore ou le soir entre chien et loup. La couleur n’est alors pas modifiée par l’éclat du soleil : On frappe à devant, à deux ou trois forgerons s’il le faut. On entend des hans ! hans ! hans ! à chaque coup porté. Le maître de forge pose furtivement son marteau à l’endroit où le coup doit être appliqué : « Il faut faire ce qu’il faut et le faire comme il faut » avait-on l’habitude de lancer à la cantonade.

 


VITRINE F – Salle Richard Desvallières – Compagnon forgeron

 

LES HACHES

Haches étincelantes, ô filles ouvrières, faites-nous donc connaître le secret mariage d’où jaillirent vos âmes interrogeait Paul Feller ; hache à équarrir ou à blanchir, hache à marquer du forestier et hache du boiseur de mine… Elle change aussi de nom : on parle d’une cognée, d’une doloire, d’une épaule de mouton, d’une herminette ou d’un hachereau. Il existe des haches de droitier ou de gaucher…

Ces haches sont l’aboutissement d’un faisceau de dialogues à longueur de générations successives entre gens du bois et gens du fer, entre bucherons et taillandiers. Le taillandier fabrique les outils taillants ; il est souvent aussi forgeron et maréchal-ferrant.

L’outil a le visage et le parler de celui qui l’a fait. Et l’homme du fer voyant arriver l’homme du bois, l’observe, échange des regards, pose quelques questions : peu de parole dans l’échange. N’avez-vous jamais remarqué ô combien les hommes de métier sont des taiseux ? Les attitudes comptent autant que les allures.

On terminera par la trempe ; on utilisera des recettes mystérieuses comme cette liqueur décrite sur un précis de métallurgie du 18e siècle : « tremper votre fer dans du fiel de bœuf, du suc d’ortie, de l’urine fraîche de 5 jours, du sel et du vinaigre distillé en parties égales ». Souvent le taillandier enchâssera son poinçon sur le fer comme garantie.

Une approche bien différente de l’approche industrielle qui privilégie le résultat économique à la qualité du produit lui-même. Elle illustre l’opposition entre l’économie traditionnelle à l’économie de marché. Pour la première, l’être est privilégié, pour la seconde, l’avoir est recherché. La première est personnalisée et ouverte, la seconde est impersonnelle et fermée.


VITRINE G – Salle René Despierre – Compagnon charpentier

 

LA FORÊT

Les métiers de la forêt sont nombreux. Pour le bucheron, l’abattage de chaque arbre est un cas particulier. Le bucheron coupe en hiver, en lune descendante « quand la sève est moins active ». Car même abattu, la sève continue à faire survivre le bois qui n’est pas assez inerte pour la fabrication des meubles, des charpentes ou des carènes de bateau. Puis, on flotte les troncs qu’on retourne à l’aide des sappies, sorte de grands crocs à un doigt.

Les landais piquent leurs hachpotts ou leurs espourguits pour saigner les pins jusqu’à l’aubier ou raviver la plaie ouverte. Avec les baresquits, il racle la résine des saignées qui coule dans les pots en terre cuite accrochés aux troncs des grands arbres.

Les bons compagnons fendeurs tranchent le bois debout pour fournir le sabotier et les merrains au tonnelier. Ils produisent les bardeaux ou essentes, ces tuiles de châtaigner qui recouvrent les murs de l’hôtel particulier que vous visitez. Tous vivent dans la forêt et croient aux esprits qui les hantent, les sylves ou les fées des rivières. Ils les ont adoptés même s’ils les craignent. Ils les respectent comme ils respectent la forêt.  

Il y a aussi le charbonnier : comme tous les métiers qui utilisent le feu, il possède des secrets. Il vit en communauté dont la structure se perpétue depuis des millénaires : Ils se disent « bons cousins charbonniers ». Ils pratiquent des rituels qui les qualifient au sein de leur métier. Le charbonnier façonne des rondins de hêtre, de charme ou de sapin. Traçant à terre un cercle, il emboite les pièces de bois les unes contre les autres qui forme un grand cône tronqué, recouvert de terre ; on parle de dressage et d’habillement, dernière étape avant l’allumage. Il crée alors une ouverture au sommet est allume le feu. La carbonisation commence, lentement, jour et nuit, longtemps, 16 jours pour les meules de 50 stères jusqu’à six semaines pour les meules de 400 stères ; consciencieusement, le charbonnier observe la calcination, il la vit. Il se sent intérieurement brûler, il croit à la magie du feu. A l’intérieur de la meule, la température varie de 200° à 1500°. Le meilleur charbon se façonne là où la température est constante à 300°. 

 

 

 


VITRINE H – Salle René Despierre – Compagnon charpentier

 

LE SABOTIER

 

Un autre métier de la forêt, le Sabotier. Sur la souche, il transforme à la hache le billot fourni par le bon compagnon fendeur : c’est le bûchage ou l’ébauchage. Dans un deuxième temps, le sabot est travaillé avec un grand couteau, le paroir, qui lui donne sa forme définitive. Puis le sabot est maintenu dans un étau en bois. Il est alors procédé au creusage avec des outils de différentes dimensions, nommés cuillers. Le sabot est terminé au racloir, au grattoir et à la rainette, pour permettre notamment au gros orteil de se loger sans être compressé.

Des origines jusqu’au milieu du 19 éme siècle, les sabotiers vécurent en forêt. Les sabotiers passaient leur existence avec toute leur famille à l’ombre des grands arbres où chaque membre avait une fonction ; au sabotier de donner la forme générale extérieure et intérieure. La femme se consacrait à la finition et à la décoration et les enfants, au polissage.


VITRINE I – Salle René Despierre – Compagnon charpentier

 

LE CHARPENTIER

La construction en bois a précédé la construction en pierre. Les bâtisseurs des temples égyptiens ou des cathédrales médiévales ont toujours voulu reproduire en pierre l’architecture de bois chargée de mystères : on cherchait à figer le cycle des saisons, de la vie, la création, …

L’art du charpentier tient aussi à sa connaissance du tracé. Il dessine d’abord la charpente au dixième. Il règle alors les problèmes constructifs aussi bien qu’il manipule la géométrie dans l’espace, qu’il nomme le trait. Cette technique permet de déterminer tous les degrés d’angles de la coupe des bois et leurs vraies grandeurs. Puis, sur l’aire d’épure de l’atelier, à l’aide de son compas d’appareilleur, haut d’environ 80 cm,  il reproduit ses tracés à l’échelle réelle de fabrication. Il peut désormais poser sur tasseaux ses bois disposés parfaitement de niveau, à l’aplomb des traits tracés au blanc d’Espagne avec un cordeau. Il équarrit ses bois de charpente à l’herminette, sorte de grosse binette ; il perce ses mortaises et ses trous de chevilles à la drille ; enfin, il finit les mortaises à la bisaigüe, tranchant aigüe à chaque extrémité. 

On parle du charpentier joyeux. Un allant qui tient surtout au travail en équipe, de la nécessaire fraternité qui permet de soulever des montagnes de bois équarris ; Sans doute aussi, de cet étonnant privilège de contempler l’humanité du haut de leur ouvrage et du véritable spectacle qui se déroule le jour du dressage d’une charpente sur chantier. En très peu de temps le toit apparait alors qu’au matin, le volume de la maison est tronqué : toute la journée, les charpentiers ont virevolté au zénith de leur art préparé en secret au sein de l’atelier. Un exploit qu’ils sont fiers et toujours surpris d’avoir accompli.


VITRINE J1 – Salle René Despierre – Compagnon charpentier

 

LE CHARRON

La roue fut inventée 4 000 ans avant JC. Le charron emploie 3 essences de bois différentes qui recevront des contraintes complexes ; « l’ormeau tortillard » sera utilisé pour les moyeux et les jantes, le chêne ou l’acacia pour les rayons des roues et le frêne pour les brancards. Après avoir tourné le moyeu au tour et creuser l’axe à la grande cuiller, il est monté sur le diviseur pour le mortaiser. Avec la roulette à châtrer le charron mesure le bandage de fer dont le périmètre intérieur doit être inférieur au périmètre extérieur de la jante. Puis il fait dilater le cerclage de fer sur un feu de bois. Une fois le fer en place, il est rapidement refroidi pour être ajusté.

On parlait de la force du charron autant que de la précision du menuisier. Selon un dicton populaire, « la mortaise du charpentier est lâche, la mortaise du menuisier est juste, la mortaise du charron serre…. ». Le charron maitrisait l’eau et le feu, le bois et le fer. De cette double approche de la matière et des éléments, naissait pendant l’apprentissage, un caractère fort, puissant, serein et fougueux. L’outillage du charron exprime cette force. L’outil sert, non pas d’abord à faire telle ou telle chose, mais à faire des hommes qu’ils soient charpentiers, tonneliers ou charrons…


VITRINE K – Salle René Despierre – Compagnon charpentier

 

LE TONNELIER

L’invention du tonneau est gauloise. Les billes de chêne livrées au tonnelier sont fendues en suivant le fil du bois.  Les planches sont surnommées « bois de merrain ».

Le coutre, tenu manche en l’air, partage le merrain en douelles qui forment le tonneau. L’artisan les coupe alors à la longueur voulue et saisit la doloire : la planche étroite et mince doit s’arrondir en creux, tout en réservant des « témoins » aux deux bouts. Puis le tonnelier utilise des planes afin d’affiner ce que la doloire n’a fait qu’ébaucher. La curette à gouge permet d’égaliser les joints qui sont ensuite amincis sur la colombe, un grand rabot fixe à trépied.

Commence alors le montage du fût. Après avoir fait détremper les douelles, le tonneau est refermé de moitié. On allume alors un feu de paille et de bois tendre à l’intérieur. Les fibres des douelles se rétractent sous l’effet de la chaleur alors que les fibres extérieures restent souples. Les douelles sont serrées à l’aide de la batissoire ou du cabestan. Une fois l’intérieur unifié, le tonnelier creuse les rainures circulaires au jabloir ou verdondaine, dans lesquelles le tonnelier place les fonds en écartant sur les douelles à l’aide d’un chien ou traitoir. Racloirs, grattoirs et stockholm interviennent dans le cerclage définitif. Le tonneau s’achève par le percement de la bonde et du perçoir pour le robinet du fond. Pour tracer le fond des futailles, le tonnelier se sert d’un compas original à pointes sèches : il est composé de 2 parties en bois différents, le corps est en noyer, aminci au milieu afin de permettre la courbure et la vis est en buis. La légende raconte que ce compas fut rapporté de Chine par Marco Polo. L’idée est séduisante et elle peut illustrer le mystère symbolique de l’outil.

L’usure des outils exprime la résistance du matériau et la ruse du tonnelier pour arriver à ses fins. La volonté et la rêverie sont sollicitées dans la fabrication du tonneau qui contient plus que du vin : il contient toute la force créatrice qui git au fond des hommes.

 


VITRINE M – Salle Raymond Poitevin – Compagnon menuisier

 

LE VANNIER

La vannerie est l’art de fabriquer des objets tressés avec des tiges et des fibres végétales. Le mot vient de « van », sorte de conque en osier qui servait  à séparer  «  le bon grain de l’ivraie ». Le van figurait dans les scènes mythiques de l’Antiquité. Aux temps les plus reculés, l’homme, en quête des premiers éléments utilitaires, s’ingénia sans doute à tresser des végétaux pour obtenir des objets à usage domestique. Les premiers travaux de ligaturage et de tressage constituèrent les rudiments de la vannerie. Dès les époques mythologiques et bibliques, l’osier a donc tenu une grande place dans la vie des hommes. On peut supposer qu’il fut utilisé très tôt et que les couteaux de silex déjà le tranchaient sur son pied. On manipule les objets fabriqués avec l’osier sans se poser de question sur leur origine, sans réfléchir à la terre et à l’eau qui a nourri la matière, sans imaginer les phases par lesquelles elle est passée, sans se douter de ce qu’est la vie des hommes qui l’ont travaillée.

Durant longtemps, une grande partie de la vannerie était fabriquée à la ferme par les paysans, à la saison creuse, pour les besoins domestiques. Le métier de vannier a donné naissance à tout un folklore populaire, du berceau en osier, à la hotte de saint Nicolas, tout un symbolisme de l’emballage de protection, de secrets est ainsi né. Les vanniers étaient des trimardeurs, ces itinérants qui marchaient au creux des chemins empierrés en compagnie de leurs ours qu’ils montraient pour gagner un quignon de pain et une bonne soupe au lard. A tel point qu’il le faisait figurer sur leurs outils. Notez aussi, le couteau au beau manche en buis sculpté, montrant la dimension affective qui se crée entre l’homme de métier et l’outil qui le fait vivre. Avec cet épluchoir ou « mondeux», le vannier retaillait les brins d’osiers.


VITRINE N – Salle Raymond Poitevin – Compagnon menuisier

 

LE CHAISIER

Le métier de chaisier est pratiqué par des artisans ambulants. Ils voyagent à pied, transportant à dos d’homme les outils et le « banc d’âne » ou « chèvre ». Selon les régions, l’armature de la chaise est réalisée en hêtre, en frêne, en noyer, en merisier, en chêne, en châtaignier ou en acacia… Le chaisier emploie du bois sec pour faire les barreaux et du bois vert pour faire les pieds. Ce n’est qu’aux 18éme siècle, que les premières chaises paillées furent fabriquées ; on a d’abord pratiqué le tressage puis le cannage. On peut remarquer l’outil original du chaisier, le « vilebrequin à conscience ». La conscience ou « ventre en bois » est ce taquet de bois tenu par une sangle en cuir. Elle permet de pousser sur le vilebrequin avec toute la force du torse de l’artisan. La tête effilée du villebrequin est renforcée d’un clou à tête ronde qui vient se loger dans la conscience munie de trous et rembourrée d’une vieille chaussette, placée en appui sur l’abdomen. C’est la première forme de vilebrequin, qui s’utilisait principalement au percement des piètements afin d’y insérer les barreaux.

VITRINE O – Salle Raymond Poitevin – Compagnon menuisier

 

LE REMPAILLEUR

 

Le nom de pailleur ou rempailleur désigne l’artisan qui garnit la chaise de longs brins de paille. L’utilisation de la paille comme garniture de siège remonte au 16ème siècle. L’emploi de la canne  nous vient du Japon et les premiers sièges cannés apparaissent au 17ème siècle dans les pays à vocation maritime comme la Hollande ou l’Angleterre. La grande mode du cannage, limitée à la noblesse et à la grande bourgeoisie, connaît son apogée sous la Régence et sous Louis XV. Le cannage recouvre alors chaises, banquettes, fauteuils, canapés, tabourets… En revanche, dans les milieux populaires et à la campagne, on garde la chaise paillée.


VITRINES P et Q – Salle Raymond Poitevin – Compagnon menuisier

 

LE MENUISIER

 

Au 14° siècle, en devenant ouvriers de petite cognée, les « bois menus » se détachèrent de la tutelle des charpentiers. Ils cohabitèrent longtemps avec les huissiers, faiseurs de portes ; les lambrisseurs, huchiers et chassissiers, faiseurs de fenêtres. Les menuisiers égyptiens traçaient déjà des queues d’aronde, et façonnaient leurs assemblages à tenons et mortaises. 

Le travail de la menuiserie a beaucoup évolué grâce aux machines-outils. Néanmoins, les apprentis exécutent toujours le travail à la main afin d’apprendre les bases fondamentales du métier. Plus encore, le jeune, par delà les attitudes et les mouvements de son maître d’apprentissage, devine son cœur, qui lui livre le métier. Et toujours, du plus profond de son cœur, le jeune invente pour son propre compte l’ensemble de ses gestes, attitudes et mouvements…

Le travail du menuisier nécessite un grand nombre d’outils précis. Le dicton populaire parle du Menuisier juste comme du Charpentier gai et du Charron fort. De cette justesse, on attend du menuisier un sens aigu de justice. Il est pragmatique et soucieux du détail, ingénieux et fin, analytique et esthète. Le métier est exigeant et sa formation nécessite du temps. Une patience qui lui donnera une véritable culture de métier et de la vie. Car si l’homme de métier fait l’ouvrage, c’est l’ouvrage qui fait l’homme. L’ouvrage transcende l’adolescent qui apprend un métier. L’outil, est comme le diapason qui donne le ton juste : le menuisier apprend à l’écouter.

Ainsi, bastringues, bédanes, bouvets, ciseaux, égoïnes, guillaumes, guimbardes, ragasses et riflards, tarabiscots et trusquins composent une symphonie enchantée de mots et de sons qui réjouit l’artisan à l’établi. Que de poésie dans le vocabulaire ouvrier !

 


 

 

VITRINE R – salle Gustave Brottier – Compagnon menuisier et Jospeh Magrez – Compagnon tailleur de pierre

 

LES VARLOPES

 

Le mot Varlope vient du néerlandais voorloper qui signifie « qui court devant ». C’est un outil à fût long, composé d’un fer, d’un coin et de deux poignées. On pousse la varlope à deux mains. Elle est utilisée pour le corroyage ou le dressage des bois déjà dégrossis par le riflard de longueur inférieure. Les varlopes font partie des outils anciens les mieux conservés. Du 16° au 18° siècle, elles s’ornent de sculptures. Des têtes zoomorphes y sont fréquemment représentées. Ces varlopes sont le plus souvent monoxyles, autrement dit fabriquées dans une seule essence de bois ; elles sont parfois datées et marquées des initiales de l’artisan propriétaire. Les menuisiers aimaient à décorer leurs varlopes qu’ils conservaient soigneusement. Or, nous avons l’habitude d’expliquer que les 3 riflards qui se situent à droite de la vitrine portent en eux les stigmates de leur humanité. La poutre de chêne qui se trouve au centre de la vitrine et qui est datée de 1777 est une colombe : elle se pose sur deux pieds. Elle est l’ancêtre de la dégauchisseuse électrique. Au sol, vous pouvez remarquer des galères à raboter de parqueteur que Gustave Caillebotte a représentées sur son célèbre tableau, « les poseurs de parquet ».


VITRINE S – salle Gustave Brottier – Compagnon menuisier et Jospeh Magrez – Compagnon tailleur de pierre

 

LES TRUELLES

 

La truelle est l’instrument fondamental du maçon. La maçonnerie s’est développée dès l’époque babylonienne, 3 000 ans av. J.-C. La truelle est déjà pratiquement représentée sous sa forme actuelle dans l’iconographie romaine et ne cessera plus d’être utilisée par les constructeurs mérovingiens, Lombards ou Wisigoths… Sa dimension est fonction de la quantité de mortier nécessaire à la pose des briques ou des pierres. Les truelles en laiton étaient utilisées par les maçons-plâtriers. En effet, le fer rouille sous l’effet du gypse. L’acier inoxydable a remplacé le laiton, alliage de cuivre et de zinc.

La scénographie proposée dans cette vitrine, montre le geste ample et aérien du maçon, cette dynamique qu’il imprime pour projeter le mortier. Ce mouvement maitrisé suscite un imaginaire fleuri que le maçon développe naturellement. Une maitrise des lois cosmiques que semble posséder le bâtisseur qui crée ainsi un dialogue permanent entre la nature et ses propres archétypes. Du mortier mou à la pierre dure, il comprend dans son intimité, la palette complète des résistances et des souplesses, des contres et des pours, de l’attaque franche et directe à la nécessaire feinte du coup portée pour tailler ou fendre… L’aplomb, l’équerre, le cordeau ne sont pas des concepts virtuels mais des structures intrinsèques, devenues réflexes à force de manipulations répétées comme les gammes d’un pianiste.   

 

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