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LE TRAIT
La vitrine du trait fait référence à la théorie du métier. Dans le monde des métiers, le terme de trait était particulièrement appliqué à la géométrie descriptive qui fut, semble-t-il, développée par les moines cisterciens et bénédictins à l’époque de la construction des cathédrales. Les moines ont recherché une technique de tracé permettant de tailler les pierres en carrière. Le transport était onéreux et il était préférable de ne pas s’embarrasser de gravats. Le trait est appelé aussi « stéréotomie » chez les tailleurs de pierre, « descriptive » chez les chaudronniers ou, aujourd’hui, « géométrie spatiale ». Il permet de trouver la vraie grandeur d’une pièce oblique qui ne peut pas être tracée en géométrie plane.
La géométrie est utilisée par presque tous les corps de métier. Cette capacité autant que cette nécessité prête à l’artisan de la pierre, du bois, du métal ou du cuir une dimension démiurgique. Elle lui donne la capacité d’être en possession de la mécanique divine. Les nombres qui semblent revenir souvent dans la nature sont repris comme principe de toute construction et de toute œuvre. Dés les origines, l’homme se sert du savoir faire, de l’imagination, de la patience, un sentiment du possible bien contrôlé, un sens précis de ses actes ; d’une façon générale, il a utilisé toutes ses facultés mentales dont l’homme contemporain manifeste encore l’usage.
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LES COMPAS
La règle, l’équerre et le compas sont, à l’origine, des instruments d’ouvriers, adoptés ensuite par les géomètres grecs. Ils ont permis à ceux-ci d’élaborer la géométrie euclidienne, par laquelle s’inaugurent toutes les sciences des nombres. Le compas est indispensable pour le « trait », la géométrie descriptive, la stéréotomie.
Ces compas appelés aussi « maîtres-à-danser » sont le produit de l’esprit inventif d’Hulot père, tourneur mécanicien à la fois sculpteur-planeur. Cette véritable petite sculpture était destinée avec les pieds, à mesurer l’intérieur d’un objet et avec les mains, l’extérieur. En éprouvant, dans le travail du fer cette curieuse condensation des images et des forces, le mécanicien a produit par la fabrication de ce compas, la synthèse de l’imagination et de la volonté ; « On ne veut bien que ce qu’on imagine richement ».disait le philosophe Bachelard.
Nous pouvons aussi observer le grand compas d’appareilleur du charpentier dont les deux branches sont assemblées par un rivet à tête de diamant qui se prolonge par une chute fleuronnée et découpée en lambrequin. : Sur une branche est gravé « Jésus, Maria, Joseph, 1768». Cette inscription est rarement présente à partir du 19e siècle alors qu’elle était habituelle auparavant.
Dès le début de l’écriture, le demi cercle représentait la voute céleste à Babylone ; le triangle semble posséder l’idée de transcendance, le carré est présenté comme la capacité de l’homme à continuer l’œuvre de la création : il symbolise depuis les Grecs la matérialité. Les niveaux de maçons, les fils à plomb, les cordeaux qui permettent de réaliser ces constructions géométriques sont chargés de leurs images profondément ancrées en nous.
LA MESURE
Pour les anciens, tout n’est que « hauteur, largeur, profondeur, poids et mesure ». Les instruments de mesure revêtent donc un symbolisme qui se traduit souvent dans le décor. Plus concrètement, l’instrument de mesure permet de travailler avec précision. Il représente donc aussi la recherche de la perfection comme axe du progrès. Un axe que nous observons dans le levier de la balance : c’est le fléau. Il nous faut noter la qualité du forgeage des grandes balances, leurs décors, leurs sections ; souligner la symétrie de l’architecture de l’instrument qui pèse, mesure et recherche l’équilibre avant d’exprimer le déséquilibre. Travail d’orfèvre plus que de fèvre dans l’extraordinaire précision de l’homme du métal qui forme au feu et à l’enclume. Les bras s’affinent pour se terminer par un anneau dans lequel un crochet mobile est assemblé ; l’aiguille fine est décorée d’un motif symétrique ajouré. A sa partie inférieure, la chasse comporte une pièce mobile, elle aussi ajourée, terminée par un gland appelé brayer. Les métiers ont leur vocabulaire. Un sens du langage qui navigue entre mécanique et poésie, enchantement et raison, farces et gravité.
LES OUTILS A PERCER : LES TARAUDS
La section que nous abordons est consacrée au perçage. L’histoire du perçage est concentrée dans les 3 vitrines. Nous retrouvons ici, les cuillers du charron déjà observées au 1er étage. La qualité de l’affûtage est essentielle pour permettre l’attaque du plot d’ormeau tortillard utilisé par les charrons pour sa résistance. On fixe le crochet de la cuiller par une forte lanière de cuir qui, en s’entortillant sur elle même va contraindre une translation. L’aiguisage, l’affutage et l’effilage du fer cémenté doit être optimum pour mordre dans une essence de bois fortement rétive. La minimisation des résistances est recherchée. La forme incurvée permet d’extraire les copeaux d’orme au fur et à mesure du percement. La lutte entreprise par le charron lors du taraudage du moyeu lui enseigne plus qu’aucun discours ; Il ressent dans ses muscles l’impérieuse nécessité de l’énergie vitale pour créer.
LES OUTILS A PERCER : LES ARCHETS
L’archet est sans doute l’un des plus anciens outils à percer de l’humanité. Il est toujours utilisé en Afrique, mais aussi chez les horlogers suisses. La rotation permet, par frottement, une attaque du matériau à percer. En Egypte, près de 3.000 ans avant J.C., l’archet qui entraînait un roseau permettait de percer des matériaux aussi durs que l’albâtre ou le granit d’Assouan. La poudre de tungstène venait se ficher dans le roseau qui tenait lieu de guide. Jeu de tendresse mesurée et de dureté extrême qui exprime matériellement l’autorité comprise de l’artisan.
LES OUTILS A PERCER : LES VILEBREQUINS
Le vilebrequin est une évolution de l’outil à percer qui succède à l’archet. On peut observer le vilebrequin à conscience de poitrine ou conscience à main, le vilebrequin traditionnel, le vilebrequin à renvoi d’angle, les vilebrequins à cliquet… Toutes ces déclinaisons du vilebrequin sont les ancêtres de la perceuse électrique. Elles nous montrent la lenteur mais aussi la persévérance du progrès dans l’efficience de l’ouvrier.
LES OUTILS A PERCER : LES DRILLES
La drille est un outil à entraînement mécanique. Employée par de nombreux métiers pour le perçage, elle exploitait la technique de la toupie pour acquérir une grande vitesse de rotation. Son usage requérait une grande dextérité afin d’obtenir une rotation régulière et prolongée. Le carrier utilisait la drille pour percer des trous qu’il remplissait de poudre à canon. Son explosion provoquait l’éclatement des grosses masses de pierre.
La tarière du charpentier sert, quant à elle, à percer des trous pour les chevilles ou encore, pour entamer des mortaises. Le charpentier distingue 2 catégories de tarière selon leur taille ; la plus grande est un boulonnier et la plus petite, un laceret. Cet outil à percer est une invention gauloise qui apparait dans « L’histoire naturelle » de Pline l’Ancien au début de l’ère chrétienne : « De notre temps, dit-il, on a amélioré ce procédé en employant la tarière gauloise, qui perce sans brûler; »
LE FORGERON-Taillandier
Le forgeron a été le principal agent de diffusion des mythologies, des rites et des mystères métallurgiques. Et nombreux sont les Héros antiques, mi-dieux mi-hommes, métallurgistes et forgerons, souvent boiteux, qui continuaient, l’œuvre de la Création : Tubalcain, descendant de Caïn, le premier des forgerons ; Vulcain ou Héphaïstos, dieux forgerons selon la mythologie romaine et grecque ; Hiram, le fondeur des colonnes du temple de Salomon… Saint-Eloi, lui-même forgeron, doué de puissance physique et crédité de pouvoirs occultes, tous œuvrent dans la forge, antre infernale aux murs noircis qu’animent les halètements du feu, le ronflement du soufflet, les bonds endiablés du marteau sur l’enclume. Parfois, à vide, pour se faire et la main et l’oreille, le forgeron fait sonner son enclume ; il commence sa journée de travail par les arpèges de sa force profonde. Le marteau danse et chante avant de s’élever. Souvent, une étoile à 8 branches orne l’enclume du forgeron comme un feu pris au piège. De cette alliance du fer et du feu naît un formidable déploiement d’objets liés à la vie quotidienne.
La plupart du temps, le forgeron était aussi taillandier. Sa production était plus particulièrement consacrée à l’outil taillant, outils agricoles, socs de charrues, pioches, fourches ou haches… L’outil restitue la manière d’être au monde de chaque métier ; il signifie par son usure, par sa façon, par l’évolution de ses formes, le dialogue des hommes de métier à longueur de génération. Nous pensons avec Paul Feller, le créateur des collections, que les outillages français, de façonnage à main, du dix-huitième siècle, pétillent d’esprit. Les pinces que vous apercevez dans la vitrine ne sont pas des outils, mais des instruments. L’outil est actif, l’instrument passif. L’un est au service de l’autre dans l’intérêt bien compris de l’ouvrage. C’est en un seul et même geste, un seul acte, que se nouent tradition et progrès, par la combinaison de l’outil et de l’instrument. C’est aussi la boucle formée par l’outil et l’instrument qui met le forgeron en relation avec le matériau chargé des lois universelles. Là se renoue en lui sa dualité d’homme. Là, le forgeron se dépasse : il s’élève.
VITRINE A – Salle Jean Bernard – Compagnon tailleur de pierre
Les substantifs serrurerie et serrure, dérivent du verbe serrer qui, en vieux français, signifiait fermer. À toutes les époques, les serruriers ont été bien plus occupés à fabriquer toutes sortes de grands ouvrages en fer comme des grilles, portails, portes, rampes d’escalier, balcons de croisées, balustrades… Tous ces ouvrages sont utilisés à « serrer », c’est à dire à enclore, à mettre un bâtiment ou une pièce à l’abri des profanes ou des gens malintentionnés. En fait, le serrurier enclot plus qu’il ne confectionne des serrures.
Nous évoquons aussi la technique du repoussage dans cette vitrine. Le repousseur travaille le métal en feuille très fine. D’un plat, le repousseur doit relever en relief la feuille de fer doux sans jamais avoir recours au feu. Le repousseur façonne à froid. Le repoussage est surtout prisé pour la décoration des feuillages sur les grilles rappelant ainsi le symbolisme du jardin originel. Il se développe surtout à partir du 17e siècle. Souvent doré à la feuille d’or, le feuillage est d’abord, découpé dans de la tôle fine, puis repoussé au marteau sur une bigorne ou un tas.
Le repousseur utilise de nombreux marteaux ; ils ont d’infimes différences et ont chacun leur utilité ; les matoirs et les ciseaux permettent de peaufiner le feuillage avant traitement et dorure. Les grands serruriers ont eu recours au décor de feuillage. Le plus célèbre est Jean l’Amour, l’auteur des grilles de la place Stanislas de Nancy. Les plus talentueux repousseurs du 17e siècle se retrouvaient à Versailles pour élaborer les balcons ou les grilles somptueuses. Dans la vitrine vous pouvez apercevoir un exemplaire du feuillage de la place Stanislas de Nancy et un échantillon de la flamme de la statue de la Liberté de New-York qui ont fait l’objet du talent du même repousseur français, Serge Pascal. Il est aussi l’auteur principal de la grille royale de Versailles qui ont été reconstituées en 2009 sous l’égide des Monuments Historiques. C’est la preuve que la compétence subsiste au temps et à la modernité. Tradition et progrès se concentre dans le geste du serrurier promu à la maîtrise du temps…
VITRINE B – Salle Jean Bernard – Compagnon tailleur de pierre
Le chaudronnier fabriquait des récipients métalliques en particulier des chaudrons. Il ne réalisait que les ustensiles de cuivre réservés aux usages domestiques ou des pièces importantes destinées au culte comme des lutrins, fonts baptismaux ou candélabres. Les chaudronniers ambulants, s’annoncent dans les villages avec une flûte de Pan. Le métier reste très prospère aujourd’hui.
A Dinan sur la Meuse se développera une spécialité de chaudronnerie qui lui donnera son nom : le Dinandier. Il fabrique des ustensiles plus fins destinés aux ménages tels que les coquemars, les aiguières, les flambeaux à figures d’hommes ou d’animaux, les bassins, les mortiers…
Il existait aussi le poêlier, organisé en compagnonnage du devoir qui jouissait souvent de privilèges d’exemption de taxes. La ville de Villedieu-les-Poêles dans la Manche porte encore la marque de sa spécialité en ce domaine. Le métier demeure prospère jusqu’à la fin du 19e siècle.
On surnommait le chaudronnier le « maignans », d’un vieux mot français, magnien, qui signifie chaudron. Le chaudron est un élément important dans la mythologie celtique. Il symbolise la souveraineté, l’abondance et la résurrection. On le retrouve dans la légende arthurienne sous la forme du « graal », adapté par le premier romancier français, Chrestien de Troyes.
VITRINE C – Salle Jean Bernard – Compagnon tailleur de pierre
La ferblanterie consiste à produire des objets avec des feuilles de fer minces trempées dans de l’étain en fusion. Le procédé de fabrication semble avoir été inventé en Bohême, à la fin du 15e siècle.
Colbert contribua fortement à son introduction en France. Il charge un représentant de convaincre des ouvriers allemands de venir s’installer France. Ces derniers fondent à Beaumont, dans la Nièvre la première fabrique de ferblanterie. Ils fabriquaient des cafetières, des jouets, des lampes à huile ou autre boite. Aujourd’hui encore beaucoup de gouttières de toit ou de girouettes sont en fer blanc. Ils se servent d’une bigorne, de cisailles, d’une enclume, d’un estampoir, de fers à souder, de bordoirs, de pinces, de tas, marteaux et de maillets divers pour exercer leur ouvrage au sein de l’atelier.
Des étameurs ambulants passaient de village en village, pour réparer les ustensiles de cuisine de fer blanc. Ils faisaient chanter la bigorne, belle tête à double corne, qui n’en finissait pas de sonner ; ils égayaient ainsi la campagne silencieuse et révélaient le village au loin, comme les cloches.
VITRINE A – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE MARÉCHAL – FERRANT
Homme du cheval, s’il en est, le maréchal-ferrant doit tout connaître de l’animal qui fut un acteur essentiel de l’évolution de l’humanité. Les Romains protégeaient les sabots des chevaux par des sandales de cuir. Le sabot de bois a succédé au cuir puis le Moyen Âge a développé le fer à cheval.
Le métier de maréchal provient de l’ancien français Marhskalk qui désignait un domestique qui soignait les chevaux. L’adjonction de « ferrant » s’est faite à l’arrivée du fer à cheval.
Le Maréchal-ferrant doit connaître l’anatomie particulière du cheval, de ses membres et de ses pieds, les « défauts d’aplomb », ainsi que les différentes causes de boiteries. La mise en œuvre de la ferrure impose à la fois une maîtrise de la forge, de la biomécanique et psychologique de l’animal.
Comme le forgeron, le maréchal-ferrant est un personnage important chez qui l’on aimait à se retrouver en attendant le ferrage. Il était plus qu’un homme du fer et du feu, il était vétérinaire, dentiste et chirurgien du cheval.
Aujourd’hui, loin de disparaître, le métier évolue et fait appel à de nouveaux matériaux comme le carbone, le titane ou l’aluminium. Son rapport à l’animal lui ouvre une dimension particulière d’altérité et de connaissance de l’être vivant, jusqu’à sa propre connaissance intime et profonde. Un rapport autorité-obéissance qu’il vérifie et qu’il rectifie sous peine de danger. Un rapport de force qui nécessite intelligence, savoir-faire et empathie avec le cheval. Comme le cheval, le Maréchal-ferrant est un taiseux qui exprime une puissance surnaturelle. Un dialogue sans parole qui crée un imaginaire foisonnant pour une volonté féconde. Pour s’en convaincre, Il n’est qu’à observer les boutoirs ornés d’enclumes ou de têtes de cheval ; pour comprendre la maîtrise de l’homme sur le métal et l’animal, il n’est qu’à saisir les ferratiers ou ferretiers :ces marteaux à tête épatée et convexe, emmanchée de frêne, légèrement courbes comme ceux d’instruments à effort puissant et de faible déplacement. Prenant l’outil en votre main pour vous en servir, ne fût-ce qu’en esprit, goûtez l’Homme qui gît en lui, universel.
VITRINE B – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE BOURRELIER
Le bourrelier, c’est l’autre « l’homme du cheval ». On parle de Sellier-bourrelier. Il tire son nom de la bourre qu’il tasse dans les colliers. L’attelage permet de capter la puissance de la bête de trait : elle est concentrée dans son poitrail et de son encolure. Les progrès furent considérables pour l’agriculture : labours plus profonds et charges plus lourdes transportées à moindre effort.
Il fabrique les colliers des chevaux, des harnais, des sacs, des courroies, des toiles de moissonneuse… Comme chez le maréchal-ferrant, son atelier était un lieu de rencontre. Au printemps, le bourrelier allait dans les fermes, pour une grande révision des bridons, des caveçons, des étrivières, des grelottières, des harnais et des courroies qu’il graissait. Le harnais seul est composé d’une trentaine de pièces qui s’énumèrent comme une comptine : une attelle, un avaloire, un bât, une bricole, une bride, un collier, une croupière, une culière, une dossière, un frein, un guide, un joug, un licol, une martingale, un mors, une muserolle, une œillère, un poitrail, un reculement, une rêne, une selle, une sous-barbe, une sous gorge, une sous-ventrière, un surdos, un surfaix, une têtière, un trait et un trousse-queue… Quel sens du langage, n’est-ce pas ? Si vous en doutiez encore, il n’est qu’à lire les listes d’outils qui figurent sur les vitrines.
Et les cuirs qu’utilise le bourrelier dont l’inventaire sonne encore comme une poésie de Prévert : cuirs de buffle, de sanglier, de chevreuil, de blaireau, de veau et de vache, de cochon blanc et de mouton jaune, mais aussi des cuirs de Hongrie, des vaches hongroyées, des vaches grasses grainées noires ou des croûtes vernies lisses fleur factice pour mantelet…
De cette connaissance qui semble sans fin, les plus grands artisans malletier et maroquinier fournissent encore aujourd’hui l’industrie de luxe à travers le monde. La sellerie automobile est très friande des selliers-bourreliers en particulier pour la restauration des voitures anciennes. Sans doute, souvenirs d’odeurs de cuirs cirés qui nous renvoient au temps émerveillés.
VITRINE E – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE CORDONNIER
Le métier de cordonnier nécessite une connaissance parfaite des cuirs. Depuis la plus haute antiquité, les Arabes transmettent le secret de la préparation du maroquin, cette peau de mouton ou de chèvre tannée au sumac et à la noix de galle. Ils la divulguèrent à Cordoue pendant l’occupation de l’Espagne. Depuis Charlemagne, on nommait cordouans les chausses et cordouaniers, leurs façonneurs. Jusqu’à la Révolution, les chaussures étaient identiques pour les 2 pieds, maux de pied garanti. La découpe nécessite de la précision pour exécuter sur les deux pièces principales de la chaussure, la tige et la semelle. Le cordonnier utilise un marteau à battre dont la panne ne doit jamais frapper du métal, ce qui risquerait de la rayer. Il bat le cuir sur le billot d’orme ou la pierre à battre qui rend le cuir dur et sonore… et lorsqu’elle fait des plis au montage, il donne de légers coups sur l’empeigne avec la pointe aplatie en éventail du marteau.
Dans les vitrines du cordonnier-bottier, on remarque de nombreux outils identiques à ceux du bourrelier mais leur déclinaison est aussi variée que les modèles et les pieds. Car par l’outil, l’homme particularise la richesse indéfinie de ses possibilités.
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VITRINE H – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE CEINTURIER
L’art de la fabrication des ceintures est sans doute l’un des plus vieux métiers du cuir. Les outils du ceinturier font aussi partie de la panoplie du cordonnier ou du sellier.
Les sortes de ceintures sont variées ; citons la « ceinture à secret », dite ceinture de contrebandiers qui dissimule des documents, des pièces d’argent ou d’or. Mais ne pourrions-nous pas dire que toutes les ceintures enclosent des secrets…
VITRINE I – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE TAPISSIER
La vitrine relate plus particulièrement le travail du cuir. Elle montre les outils utilisés pour le revêtement et le garnissage des fauteuils : par exemple le ramponeau, ce marteau utilisé pour enfoncer les semences qui n’ont rien à voir avec du jardinage mais qui caractérise les petits clous du tapissier ; le pied de biche pour les extraire lors des restaurations ; les tenailles à sangler pour tendre les sangles de garniture au moment du montage.
A partir de quelques gestes et de quelques outils auxquels viennent s’ajouter toute la panoplie des travailleurs du cuir, le tapissier possède une capacité infinie de créer. Ce que nous pouvons aborder dans l’observation des vitrines, pour se faire une idée juste du devenir-ouvrier, c’est en quoi l’ensemble des Anciens livre à l’ensemble des Jeunes la connaissance intime qu’ils ont de l’ensemble des choses. De son côté, l’apprenti réinvente tout ce que lui livre son maître, le reprenant à son propre compte.
VITRINE J – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE GANTIER
Ce métier, qui relève du domaine de l’habillement, n’a jamais vraiment perdu de son aura. Son évolution se fait au rythme des saisons et de la mode. Avec des peaux tannées, sélectionnées en fonction de leur taille, couleur, grain et souplesse, le gantier coupe les différents éléments du gant à l’aide d’un gabarit et d’une main de fer. Il les assemble à la main ou à la machine ; puis il les double et les orne d’accessoires ou de broderies. Certaines matières nouvelles aux étonnantes capacités de formage, n’estompent pas cette spécialité, là où s’épanouissent les métiers de la mode. Les formes en bois ou mains chaudes sont souvent ambidextres : Les gantiers y tendent les peaux fournies par le mégissier, le tanneur de petites peaux. Le pouce qui fait toute la dextérité de l’homme est un réel casse-tête pour le gantier.
VITRINES K – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE RELIEUR
La reliure apparait dès le 6e siècle dans les monastères. Avec les croisades, on découvrit l’art oriental pour travailler les cuirs, les teinter et les gaufrer. À la fin du Moyen Âge, le papier, plus léger, se substitua au parchemin. Au 16e siècle, les « plats de couverture », jusque-là en bois, cédèrent la place au carton et à l’usage du maroquin, une peau de chèvre ou de mouton, fine, souple et résistante. Relier un livre exige quelque cent vingt opérations successives. Elles englobent la couture des cahiers, la pose des tranchefiles, pour renforcer le haut et le bas du dos, des signets marque-page, la fabrication de la reliure proprement dite, l’emboîtage des cahiers dans la reliure et le collage des pages de garde… La reliure est indissociable de la dorure. La feuille d’or utilisée est extrêmement mince, un dix millième de millimètre : un lingot pesant 450 g fournit plus de douze mille feuilles d’or !
En ce qui concerne la dorure sur cuir, l’artisan commence par badigeonner la peau d’un produit fixant : autrefois du blanc d’œuf, il utilise un mordant chimique aujourd’hui. Avant d’appliquer la feuille, puis de la lisser au tampon d’ouate, on enduit la peau d’une légère couche d’huile d’amande douce. Le travail aux fers peut commencer. Travaillés dans le bronze, les fers à dorer se présentent comme des poinçons emmanchés. Leur nom évoque leur décor ; on parle de fleurons, de palettes, de coins, de roulettes… Les brunissoirs de relieur composés de pierre d’agate montée par une virole en laiton sur un manche en buis, finissent d’aviver la dorure.
VITRINE M – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE FOURREUR
Ce métier est sans aucun doute l’un des plus anciens parmi les professions de l’habillement. Le fourreur maîtrise le traitement des peaux, la façon de les utiliser en fonction de leur forme et de leur couleur. Il doit prêter attention à leurs qualités thermiques liées à l’action des saisons sur le comportement de la peau ; Bien évidemment, il observe les modes auxquelles il participe. Le fourreur utilise les peaux tannées naturelles, ou teintes, ou encore rasées. Il associe des techniques de couture mais aussi des procédés propres à la fourrure comme l’allonge, grâce à laquelle, de courte et large, la peau devient longue et fine.
Sur les formes en bois ou gabarits tête de bois, le fourreur-taxidermiste monte la peau tannée de l’animal sur lequel il visse le scalpe. Ici, en l’occurrence, il s’agit de tête de renard.
VITRINE O – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE TANNEUR
Le tannage de la peau de bête est sans doute la première recherche technique de l’humanité. La peau doit être transformée en cuir quasi imputrescible. Le tanneur a recours à des procédés longs et complexes qui se succèdent au rythme du lavage, du gonflement et du dépilage. Il commence par retirer les poils après trempage dans des fosses remplies de chaux et de cendre : c’est l’ébourrage au couteau sourd à 2 poignées. Puis on gratte les chairs et les graisses restantes à l’aide du couteau arrondi à 2 manches et à l’étire. Puis on déchaule les peaux à l’aide d’acides faibles. Commence alors l’opération de confitage : les peaux sont trempées dans un bassin d’urine mélangée à de l’alun, du sel, du soufre, des excréments de chiens et de fientes de pigeons. Il s’agit d’ouvrir les pores de la peau, de la faire gonfler et de la préparer à recevoir les tannins. Le chamoisage, lui, est un tannage à l’huile. Pour la mégisserie, on ajoute de la farine de froment et des jaunes d’œufs. Ce traitement donne des cuirs blancs et souples utilisés dans la ganterie et la cordonnerie de luxe.
Après plusieurs lavages les peaux tremperont dans des bassins d’eau et de tannin, souvent de l’écorce de chêne pulvérisée. Il faut alors tendre la peau avec la serpette et assouplir la peau avec la « marguerite » que les tanneurs surnomment aussi « demoiselle », le rabot du tanneur en bois de cormier.
La Maison de l’Outil présente à droite, les outils et les registres de Tanneur du père de Louis Pasteur, l’inventeur du vaccin contre la rage. Cette collection appartient à la ville de Dôle qui nous a fait l’honneur de les montrer ici au public.
VITRINE P – Salle Abel Boyer – Compagnon maréchal-ferrant
LE BOUCHER
Le savoir-faire du boucher pourrait se résumer à l’art de la découpe. Mais chacun apprécie la connaissance parfaite que le boucher possède de l’anatomie animale : il s’inscrit dans cette ambivalence de l’amour de l’animal et de sa vocation à le transformer en aliment pour l’homme. Il sait aiguiser ses couteaux avec virtuosité : le couteau, pour couper bien doit couper mieux disait-on. En fait, savoir aiguiser ses outils constitue un seuil en deçà de quoi il y a des bricoleurs, et au-delà de quoi il y a des gens de métier. Le boucher manipule ses feuilles, ses couperets ou ses hachoirs avec une dextérité qui fascine tous ceux qui l’observent.
La petite collection d’outils en os que vous pouvez observer était dédiée à un fils de boucher amoureux de son métier. Sans doute devait-il exprimer intimement la belle idée de la transmission, non seulement de son patrimoine matériel, mais aussi de ses connaissances professionnelles. Car ce qui est à sauver, c’est ce qu’il y a d’éternel dans cette tradition des métiers, à savoir le besoin vital de livrer, de donner, de transmettre ce que l’on a reçu. La technique est une manière d’agir mais le métier de l’homme-artisan est, davantage, manière de vivre, manière d’être, d’aimer et de penser.
VITRINE A – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE RHABILLEUR DE MEULES
Le « rhabillage » d’une meule consiste à ciseler les parties planes de la meule et à y tracer de petits sillons, profonds de 1 mm, séparés les uns des autres de 2 mm environ. Ces « rhabillures », qui forment autant de petites bandes de pierre, agissent sur les pellicules de son ; elles les râpent, les curent et leur enlèvent la majeure partie de la farine qui y adhère. En France, la meunerie a formé d’excellents « rhabilleurs » qui, pendant de longues années jusqu’à l’apparition de la mouture à cylindres, ont contribué pour une large part au renom de nos farines. Les parcelles d’acier qui éclataient du marteau du rhabilleur se répandaient sur le dessus des mains des rhabilleurs ; elles s’incrustaient dans leur peau et y produisaient une sorte de tatouage indélébile. Très souvent des cœurs sont gravés sur les marteaux du rhabilleur de meules montrant leur attachement profond au métier. On peut aussi y observer des fleurs de myosotis, des rouelles, des astres solaires, des roues, symboles d’un attachement à une communauté d’hommes initiés aux mystères de la vie bonne : une vie cyclique, une vie chaque année renouvelée, une vie de lumière. Ils ne portaient pas d’insigne à leur boutonnière, ils les portaient à l’outil. Par son outillage, l’ouvrier français du 18ème siècle nous paraît avoir montré de l’esprit et du cœur, ce que nous appelons… : la chaleureuse pensée ouvrière.
VITRINE B – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE PAVEUR
Pavé de grès ou de granit, en bois-de-bout ou galet, le paveur pose un revêtement dur pour les chaussées et les cours. Dans la vitrine, la hie qui tracasse les cruciverbistes côtoie la dame plus épaisse ; les lourds marteaux de paveurs facilitent tous les gestes techniques nécessaires au taillage du pavé et à son placement dans le sable. Le fer opposé aplati et forme de cœur est une façon de truelle afin de déplacer le sable. Les marteaux sont lourds, les paveurs musculeux, la tête pleine de géométrie et d’altimétrie. « Sous les pavés la plage ! » lançait-on en 1968. Pas vraiment ! Si l’on veut s’y pencher, on trouvera la somme intégrale mathématique de savoir faire et de savoir être d’un ensemble de générations d’hommes de cœur.
VITRINE C – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE STUCATEUR
Le stuc est un revêtement à base de mélange de plâtre, de marbres concassés, de pigments et de colle, qui imite le marbre. Chacun a son secret pour rendre cohérents ses mélanges et pour les faire briller. De nombreux composants peuvent participer à la fabrication du stuc : la drêche, résidu d’orge, des œufs, de l’urine, de la poix, du moût de bière, du sang de bœuf, de l’écorce d’orme, du jus de figue, du sucre, du gluten de riz… Le stuc n’est pas un maquillage mais un revêtement qui imite à la perfection les marbres les plus subtils. Le stucateur est un grand connaisseur du calcaire marbrier ; il l’ausculte, le décompose, le comprend, l’identifie et le restitue. Sans doute en est-il de même, pour lui, de la nature humaine. Il est ce qu’il connaît.
VITRINE D – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE PLÂTRIER – STAFFEUR
Le plâtre est un gypse, cuit et réduit en poudre. Il se prend vite en masse, passant de l’état liquide à l’état solide en quelques minutes. Il faut donc le malaxer rapidement, ce qui a fait naître l’expression : « battre quelqu’un comme plâtre » qui montre la vivacité de l’action.
Vers 1830, des méthodes nouvelles d’utilisation du plâtre par des préfabrications en atelier débouchent sur une spécialité appelée le staff, une composition de plâtre et de fibres végétales employée dans la décoration. Le staffeur est un virtuose des arts décoratifs. Aujourd’hui, le staff participe largement à l’architecture intérieure, grâce aussi à l’apport de nouvelles technologies. Les moulages permettent à la fois le travail en série et des possibilités de formes infinies. Le staffeur apporte une technicité importante dans le bâtiment, ce qui lui confère un statut à part. Il est créatif et soigneux, élégant et technique : avec lui, c’est en un seul et même geste que se nouent tradition et progrès et ce, par l’outil.
VITRINE E – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE MAÇON
Les premiers maçons étaient aussi bergers. Des remparts de Mycènes à la tour de Babel, de la muraille de Chine aux pyramides d’Egypte, des temples incas à la basilique de Rome, les œuvres des maçons sont partout, faites pour défier le temps.
Le métier de maçon est à l’origine du tailleur de pierre mais aussi du sculpteur, du peintre et de professions telles que celles d’architecte ou d’ingénieur. Le maître d’œuvre des cathédrales devait inventer le matériel de levage et de transport pour les charges lourdes. Le Maçon travaille avant tout en équipe. Il a un esprit synthétique. Il creuse les fouilles et assemble les moellons de calcaires, de grés ou de granit, de pierre taillée ou de brique. Il tient le fil à plomb pour vérifier la parfaite verticalité ; avec le niveau, jadis en forme de triangle, aujourd’hui à bulle ou à laser il tend à l’horizontalité. A force de répéter ses gestes comme des gammes, il devient ce qu’il maîtrise. Il ne tergiverse pas, il fait : Il est bâtisseur sur et en dehors du chantier. Bien sûr, il n’utilise plus l’oiseau et très peu le guillaume, jamais plus le rabot à mortier mais toujours les lissoirs et bouchardes… Il manie encore la truelle dont la forme remonte à la plus haute antiquité. Peut-on se dire maçon sans manier la truelle ? Certes non ! Mais il est toujours des maçons dont les gestes semblent porter la grâce des magisters anciens et de leurs rêves les plus hauts.
VITRINE G – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE CARRIER – TAILLEUR DE PIERRE
A ciel ouvert ou en galeries souterraines, l’exploitation des carrières est différente selon que la roche est tendre ou dure. Le carrier extrait la pierre à l’aide de coins en bois ou en fer. Les barres à mine longues et lourdes font leviers ; les rouleaux de bois ou les boulets d’acier permettent le déplacement des blocs de pierre que les crics soulèvent et redressent. Dés lors commence la taille de pierre, née à Saqqarah, en Égypte.
Il y a environ 4500 ans. Imhotep, Intendant et grand prêtre, proposa au roi Djoser, de bâtir un temple de pierre. La pierre rendait éternel le temple jusqu’alors construit en bois. Depuis le Moyen-âge, le tailleur de pierre utilise la stéréotomie, la géométrie descriptive de la pierre. Son compagnonnage avec les constructions sacrées, lui procure une conscience profonde de sa responsabilité au sein du monde profane. Restaurateur de cathédrales ou de palais, il contemple et absorbe l’esprit qui a permit de les bâtir. Il a conscience que chaque jour, il continue un ouvrage, une œuvre même, qui le dépasse. Les outils à tracer du tailleur de pierre sont nombreux, règles, équerres, fausses équerres, compas…il emploie un grand nombre d’outils à frapper, masses, massettes, têtus, marteau à deux pointes, brettelés à pointe, ou peigne pour tailler le grès…
La simple révélation de la matière étend l’horizon du tailleur de pierre jusqu’aux extrêmes limites de l’être et le dote du même coup d’un ensemble de clés pour déchiffrer l’être de tous les faits humains. Alors, de ville en ville, il transporte avec lui ses connaissances, ses coutumes et ses chansons…
VITRINE H – Salle André Delibes – Compagnon maçon
L’ARDOISIER
L’ardoisier travaille en carrière ouverte ou dans les mines. La France possède quatre massifs ardoisiers importants : Pyrénées, Corrèze, Bretagne, Ardennes.
Le schiste est une roche sédimentaire métamorphique, autrement dit, elle s’est transformée par la pression et la température des entrailles de la terre. Non poreuse, elle se débite par strates fines comme un mille feuilles.
Après extraction, l’ardoise doit être humide pour être fendue. L’ardoisier se sert d’un ciseau long et Il maintient la dalle entre ses sabots. Le fendeur est assez dynamique pour être sûr de sa victoire. Les feuilles d’épaisseurs égales vont de deux à cinq millimètres d’épaisseur. L’ardoise est ensuite posée sur un chevalet où elle est mise en gabarit à l’aide d’un patron de fer blanc.
L’ardoisier doit tirer d’un bloc le meilleur parti et extraire le plus grand nombre d’ardoises de qualité. Il observe, ressent, ajuste et frappe. Il fait le miracle inverse de la nature. La matière lui donne le sens d’une profondeur cachée.
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VITRINE I – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE COUVREUR EN ARDOISE
Le couvreur en ardoise taille l’ardoise, trace et implante. Homme de la pierre, il maîtrise aussi la zinguerie. Son enclume fine qu’il fiche dans le chevron est souvent ornée d’un cœur. L’artisan reconnait à l’outil sa propre dépendance et sa gratitude dans l’acte quotidien qui lui permet de vivre. Avec son marteau original, Il trace, taille, perce et cloue l’ardoise.
Il décore le faîtage du toit ou agrémente les grands pans d’un cœur, ou bien de quatre figures d’un jeu de cartes. Il imagine richement. Il voit les terriens du haut de son échafaudage. Il domine et se détache du monde agité pour projeter loin son regard. Il se rapproche du ciel et contemple les deux sphères. Faut-il en dire plus ? Le couvreur est secret…
VITRINE J – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE TUILIER – BRIQUETIER
D’abord en terre crue, séchée au soleil et assemblée avec du bitume en Mésopotamie, la brique est le premier matériau transformé de l’histoire de la construction. Ce sont aussi les Chaldéens qui comprirent les premiers l’intérêt de la cuisson pour la pérennité de leurs constructions. Comme le potier, le tuilier-briquetier oeuvre avec les éléments : la terre, l’eau, l’air et le feu.
Il façonne les briques ou les tuiles dans des moules sans fond. Il réalise de 1100 à 1500 tuiles en 1 journée de travail. Les tuiles peuvent être plates ou canal dites imbrice et tegulae, ces tuiles romaines implantées essentiellement dans le sud de la France.
Après le façonnage à la batte, l’eau de l’argile en pâte doit s’évaporer pour éviter les fissures. Quelques semaines plus tard, le tuilier-briquetier empile les briques et les tuiles dans un four de façon à favoriser une cuisson régulière. La cuisson au feu de bois dure plusieurs jours. Le briquetier vit le temps dynamisé de la cuisson. La pâte qu’il a connu molle, il l’affermit par le feu qu’il asservit. Il en est autant de son tempérament depuis sa première cuisson. Dans le temps de chaque fournée, il revit l’histoire du grand céramiste Bernard de Palissy ; peut-être ne l’a –t-il pas lue mais il la sait.
VITRINE K – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE COUVREUR EN TUILE
Le couvreur a l’obsession de l’étanchéité. L’eau est son ennemie pour les ouvrages qu’il doit protéger, mais aussi son amie puisqu’elle lui procure l’occasion d’utiliser sa science. Étanchéité à l’eau d’un bâtiment, certes, mais aussi à l’air. Le couvreur connaît les effets d’aspiration, la capillarité, la dilatation… Il maîtrise aussi le dessin, le tracé, l’implantation. Il pratique l’un des seuls métiers où l’on façonne à la fois la terre cuite, le mortier et les métaux. De cette maîtrise complexe et singulière, il puise un foisonnement de forces naturelles qui le dynamisent. Chaque matière travaillée apporte ses rêveries propres. L’onirisme du travail est la condition même de l’intégrité mentale de l’homme de métier. Négligez les puissances oniriques du métier et vous anéantissez l’ouvrier. Enlevez les rêves et vous l’assommez ; sa volonté s’émiette. Rendez-lui sa liberté d’imaginer, vous lui rendez sa capacité dynamique.
VITRINE L – Salle André Delibes – Compagnon maçon
LE POTIER
Le potier est le premier métier du feu. Les poteries font parties des témoignages universels les plus anciens que nous ont légués les civilisations. Née de la rencontre du feu avec la terre, la poterie répond aux exigences prioritaires de la vie ; celle de recueillir, de cuire et de transporter les liquides et les aliments.
Le potier a la connaissance de la terre, de l’eau, de l’air et du feu. Tout d’abord, l’épuration de la terre, se fait par l’action du temps, de la pluie et du gel. La terre est ensuite malaxée puis dégraissée par apport de sciure de bois ou de combustibles minéraux. De cette opération première dépend la finalité de la réalisation de l’œuvre.
Le potier peut réaliser son œuvre par modelage ou tournage. Si la pièce est tournée, ii actionne un tour, au pied tout en donnant la rotation voulue pour monter la pièce en terre. La main travailleuse, la main animée par les rêveries du travail, s’engage… Elle suit le schéma temporel des actions qui impose un progrès.
Après un long séchage naturel, l’artisan procède à la cuisson. Sur l’ensemble du globe, les hommes mélangent, pétrissent, façonnent et cuisent la terre. Dans la plupart des religions, c’est un dieu potier qui a façonné l’homme. Dès qu’on a prise sur leur substance, les objets les plus inertes appellent sans doute les rêves. Le procédé de fabrication a été très tôt repris par les chamans et les sorciers comme rite de passage entre l’enfance et la vie adulte.
Les gabarits en ardoise sont utilisés par le potier de terre blanche. En effet, le bois ou la tôle communément utilisés par les autres potiers, rejettent des tanins ou des oxydes qui corrompent la terre. Ces couleurs ressortiront à la cuisson. De son côté, l’ardoise ne rejette aucun oxyde et sa rigidité est suffisante pour former la pâte argileuse. Une pâte qui est née dans l’eau et qui s’achève dans le feu. La création du potier est un mélange de rêve et d’habileté.