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Transformer la violence en puissance créatrice.
L’adolescent qui manifeste son désarroi par la violence doit avoir une porte de sortie édifiante. Chez Bachelard on peut lire : «par le marteau ouvrier, la violence qui détruit est transformée en puissance créatrice… Voici venu le gros marteau à grand manche -un manche que l’on tient à deux mains en se donnant à tout cœur à l’ouvrage». Le travail de la matière permet à l’adolescent de rééquilibrer son énergie selon son tempérament, par la médiation de l’outil. Il se sent appartenir, sans plus de réflexion, à quelque chose qui le dépasse ; il sent son corps se transformer par l’action répétée de son geste. Sa vigueur canalisée le surprend et lui ouvre des perspectives jusqu’alors ignorées ; il se sent fort, comprend à quoi servent ses bras, ses jambes, son torse, ses abdominaux… Lui, le garçon qui a grandi trop vite, d’un seul coup, héritant de membres trop longs par rapport à son corps ou inversement, se sent vivre, revivre prendre ses marques ; lui, le petit garçon si habile auparavant, qui faisait la fierté de ses parents, se sentait maintenant maladroit, ne maîtrisant plus ses bras. Concentré sur son ouvrage, il reprend confiance en lui, il devient fort, même si ses doigts sont endoloris par sa maladresse. Le soir une partie de l’ouvrage est fini et il est bienheureux, satisfait ; sa journée a eu un sens et il a «canalisé son énergie» Il lui faut des limites pour qu’il puisse se jauger et puis repousser ses limites ; «je ne sais pas ce que je veux faire plus tard, je ne vois pas ; il n’y a rien qui m’intéresse». L’école, telle qu’elle est pratiquée, maintient ce malaise qu’elle repousse au delà de l’adolescence du corps, de sa transformation ; cette dichotomie sera alors difficilement soluble. Le métier n’est pas la seule solution à l’adolescence, mais il est particulièrement complet, surtout en ce qui concerne le travail de la matière, de l’échange qui s’effectue entre l’apprenti et l’univers sans que n’intervienne quiconque. Par lui, il s’enhardit et se métamorphose pour prendre alors sa place au sein de cet univers. Feller parle précisément de cette dimension là : considérer l’homme dans sa globalité, considérer qu’il doit être complet et non pas séparé : un individu existant par son corps et l’autre comme un pur esprit, l’un esclave, l’autre esclavagiste, charlatan ou penseur attrayant. Recréer les conditions d’une formation d’homme complet, saisi dans sa globalité, tel est notre pari. Le psychologue américain Howard Gardner a défini 9 formes d’intelligence : spatiale, linguistique, musicale, corporelle, logico-mathématique, intime, sociale, naturaliste et existentielle. Le maçon italien qui, en quelques années, parle suffisamment (même avec un accent) le Français et traite des chantiers difficiles, le footballeur qui balle au pied a la vision du jeu, le chasseur africain plus félin qu’un tigre et plus rusé qu’un chacal ont tous des capacités aussi respectables et dignes que celles des «crânes d’œuf» issus des grandes écoles. Gardner ajoute : «il faut faire en sorte qu’au cours du développement d’un enfant, celui-ci puisse «faire corps avec sa tête. N’est-ce pas cela, au fond, l’intelligence : profiter d’un potentiel global au développement de sa pensée » ?