Dominique Naert - Nous n'avons pas la capacité de changer le monde, mais celle de changer notre propre vision du monde…/… We can't change the world, but we can change our view of it.
 
mai
26

PRESENTATION

Ecrit par Dominique

Dominique NAERT

LE LABYRINTHE

DE LA CATHEDRALE DE REIMS

LA SIGNATURE DES BATISSEURS

labyrinthe-1

PRESENTATION

Depuis une décennie, le Ministère de la Culture a choisi le tracé du labyrinthe de Reims comme «logo» sur ses bâtiments classés. Positionné en diagonale sur les panneaux signalétiques et sur les édifices, il informe de la présence d’un monument historique, symbolisant ainsi le savoir-faire et le génie bâtisseur des hommes de métier français. En retraçant symboliquement un labyrinthe, le maitre d’œuvre voulait se rapprocher de Dédale , décrit par Diodore de Sicile (-90,-20 ), comme l’architecte légendaire, dont la réputation était née du progrès qu’il avait apporté à la sculpture statuaire, à la construction en pierre de taille, autant que par l’ingéniosité dont il avait fait preuve en réalisant la commande du roi Minos, le labyrinthe de Cnossos en Crète. Dans la mythologie grecque, le labyrinthe est un édifice complexe, dans lequel Minos emprisonna le Minotaure, né d’un amour monstrueux de Pasiphae, son épouse, avec un taureau blanc. Les maîtres d’œuvre, à qui on avait enseigné les auteurs grecs, en avaient fait leur légende.

Le labyrinthe de Reims fut construit avant le sacre de Philippe le Bel, célébré le 6 janvier 1286, tandis que les travaux sont dirigés par Bernard de Soissons. Au XVIIIe, le siècle des lumières, les chanoines détruisent massivement des parties d’architecture gothique. Le chanoine Jacquemard prend sur sa cassette mille livres pour faire disparaître le labyrinthe. Par bonheur, le dessin du labyrinthe de Reims avait été relevé par Jacques Cellier dès le XVIe siècle, et les inscriptions par Cocquault en 1640 puis par Robin et Havé en 1778-79 à l’annonce de sa destruction. Le labyrinthe de Reims est particulièrement instructif : dans ses angles octogonaux des effigies présentent les quatre principaux maîtres d’œuvre qui édifièrent la cathédrale des sacres : Jean d’Orbais, Jean Le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons ; au centre, la silhouette souvent attribuée à Aubry de Humbert, l’archevêque qui missiona le premier maitre d’œuvre, Jean d’Orbais . Il nous a été permis de retrouver la « progression géométrique » avec laquelle Jean d’Orbais avait été représenté en effigie : à partir du plan réalisé au niveau des fenêtres basses par Jean Rocard, architecte en chef des monuments historiques et aidés d’un programme informatique de dessin, nous avons pu reproduire la structure de base du tracé de la cathédrale et apporter, ainsi un éclairage supplémentaire à l’histoire de la construction des cathédrales.

La peur de l’apocalypse, que l’on avait prévu autour de l’an 1000 ou 1033, avait revivifié une quête spirituelle et religieuse, qui avait fait déferler en Occident une vague de construction de bâtiments religieux. «Et lorsque seront achevés les 1000 ans, le satan sera délié de sa prison ; et il sortira pour égarer les nations qui sont aux quatre coins de la terre, «Gog et Magog», les rassembler pour la guerre, eux dont le nombre est comme le sable de la mer…» (Apocalypse de St Jean – 20,7-8). L’apocalypse prophétisait aussi l’avènement d’un monde nouveau et d’une Jérusalem nouvelle, qu’elle avait décrits. Les hommes d’église avaient donc cherché à accomplir la prophétie de Jésus, et les bâtiments religieux, les églises, devaient ressembler au temple de la nouvelle alliance, à la cité future de la Jérusalem nouvelle. Elle avait permis aux bâtisseurs de découvrir les lois de la physique, de les faire évoluer jusqu’à obtenir une précision qui leur permettra d’approcher un équilibre presque mystique, et qui atteindra son apogée lors de la construction de la basilique St Urbain de Troyes. Une science appliquée qu’ils paieront cher et dont l’exemple le plus marquant restera l’effondrement de la voûte du chœur de la cathédrale de Beauvais.

Mais les bâtisseurs répondaient au désir insatiable des grands penseurs médiévaux, aux pères de l’église, qui voulaient ainsi comprendre et parvenir à la perfection cosmique, approcher les lois de la Création, approcher le Créateur lui-même. A Reims et alentour, une effervescence intellectuelle intense participera, depuis le haut moyen âge jusqu’à la fin de la période gothique, au grand élan mystique qui éclôt du Moyen Orient jusqu’en Occident. Sans conteste, la France y a une position prépondérante : en Champagne, St Rémy, Hincmar, Gerbert, St Bernard, Hugues de Payns, Rachi, Abélard, Pierre de Celle, le seigneur de Coucy, Thibault de Champagne, Chrétien de Troyes, d’autres encore, participèrent de toute leur âme à ce profond débat. Jean d’Orbais, Jean le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons, les maîtres d’œuvre de la cathédrale des sacres, furent les maîtres à appliquer cette science, cette connaissance dont ils furent chargés d’en tirer la substance, l’essence, la quintessence, la « quinta essentia » . C’est dans ce contexte que fut élaboré le plan de la cathédrale gothique de Reims, dans laquelle devait être perpétué le sacre royal (les pinacles du transept abritent quatorze statues de rois). Le sacre royal succédait au sacrement du baptême de Clovis (au portail du transept nord, l’évêque St Rémi reçoit de la colombe la Sainte Ampoule, avec laquelle il l’avait baptisé et l’avait oint de l’huile sainte). Cet événement avait été l’acte fondateur de la nation française. Le sacre permettait ainsi au roi d’être l’intercesseur entre Dieu et son peuple.

La construction de la cathédrale s’échelonna pendant trois cent cinq années (1211-1516). L’esprit et la connaissance qui résultaient de ce contexte et qui présidaient à l’édification de la cathédrale de Reims, permettaient de transmettre les éléments fondamentaux et constructifs d’un édifice qui devait être symboliquement précis. Le labyrinthe fait partie intégrante de l’édifice ; il est l’abaque de construction des bâtisseurs et leur table de la connaissance, qu’elle fût technique, intellectuelle ou spirituelle : le labyrinthe de Reims n’est autre que l’épigraphe des maîtres d’œuvre de la cathédrale Notre Dame de Reims.

Au lendemain de la première guerre mondiale, Henri Deneux, architecte en chef, entreprit la reconstruction de la cathédrale fort endommagée. Il n’eut cependant pas l’idée de reconstituer le labyrinthe et on n’entrevit pas, jusqu’à ce jour, l’importance que revêtait ce labyrinthe dans la construction. La méconnaissance de sa signification teintait ce tracé d’un mystère dont il est coutume de se méfier. Pourtant, son importance est primordiale quant à l’histoire des bâtisseurs, que représentaient les quatre maîtres d’œuvre de la cathédrale gothique.

Cette étude a pour objet d’apporter une « pierre » au long travail des historiens et des chercheurs, afin d’élucider une partie de ce mystère et de retrouver « l’esprit des bâtisseurs, qui leur ont permis de faire ces choses, et qui en feraient de tout autre en d’autres temps» (Paul Valéry). Les tracés régulateurs de la cathédrale, la récurrence de leurs principes et de leurs propriétés dans le tracé du labyrinthe, contiennent une signification essentielle au lieu éminemment spirituel que constitue la cathédrale de Reims.

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